24 heures,
Switzerland
Imperialism: Europe and America 'Inherit the Storm'
By Jean-Marie Vodoz, Former Editor-in-Chief
Translated By Sandrine Ageorges
August 24, 2006
Switzerland - 24 Heures - Home Page (French)
Salmon Rushdie, author of The Satanic Verses. (above).
Salmon Rushdie
Arundhati Roy
Arundhati Roy, author of The God of Small Things. (below)
-------------------------------------------------------------------------
In truly every way, Europe has set seeds to the wind. And in these distressing days of open or incipient war and terrorism, Europe dreads to inherit the storm ... with the catastrophic reinforcement of the American hawks."
Astonished,
then attentive, Europe observes the literary tide coming from India. Heralded by the clash of cymbals, there have
been The Satanic Verses by Salman Rushdie and the death decree [fatwah] against the novelist,
announced by the sinister old man that ran Teheran [the Ayatollah Khomeini].
Through a flow of moving and tormented pages, one could see in the words of Tarun J.
Tejpal and Rushdie again, lost paradise, the Punjab and Kashmir, the marvelous
beauty of their valleys, orchards and thick forests, under the shining
protection of massive glaciers; but also the violence, the wars against
Pakistan, Hindu and Muslim massacres and the degradation of a nation [India] that,
far from following the path of its prophet Ghandi, covets its atomic bomb,
protects the new wealthy cast, and arrays against its poor a pitiless and often
sadistic police force.
There
was, at the end of the 90's, The God of Small Things, a triumphantly received novel written by a woman, Arundhati Roy , who was crowned
for her work by the Anglo-Saxon world. There [in India], it has been said, the subtropical climate, perpetually decomposing,
contaminates human beings, who are thrust into the swamp of their own superstitions
and cruelty; the author herself, in every chapter, takes pleasure in recounting every
sordid detail and ends up describing a pair of doomed lovers (him being an "untouchable")
who adopt as a mascot a spider, which is busy transporting a speck of dust, a
decomposing leaf and the hollow thorax of a bee along the river.
One
cannot understand the desires and fears of such an immense
and plentiful literature based on the few works written in English (the French-speaking
editors await, apparently, an avalanche of books translated from the regional
languages of the sub-continent!). However, just getting a first glimpse of this literary chorus
one is struck by the continuous drumbeat: the guilty failure of
society, the contempt for those who lead it and mislead it, and the never-ending
fascination with the modern Western world.
In
this respect, a more explicit author is a friend of Arundhati Roy, the young Pankaj
Mishra (we will have to get
used to such celebrity names, although they are hard to memorize!), author of a
Buddhist grail quest entitled The End of Suffering.
It
raises a disquieting paradox of which we are not conscious enough of, but which
clarifies contemporary history: the European powers have dominated, manipulated
and humiliated the ancient civilizations that surrounded them; amongst themselves,
moreover, Europeans have engaged in dreadful wars and then today, having reconciled,
they present to the world an exceptional space of tranquility, tolerance and
prosperity. Now, oblivious to their colonial past (of which the state of Israel
appears to be an abhorrent survivor), they look on, astonished, at the havoc
unfolding in their former-empires, where now there is clash between those who want the most favorable
environment; wanting to see their values, methods and techniques in
line with the Western World; and those desperate masses who are ensconsed in Islamic fundamentalism
and wrapped up in frustration but also - subconsciously perhaps - the
revolutionary arsenal fabricated by progressive Europe.
In
any case, truly, Europe has set seeds to the wind. And in these distressing days of open or incipient war and terrorism, Europe dreads to inherit the storm ... with the catastrophic reinforcement of the American hawks."
French Version Below
Les
fleurs de l’impérialisme
CARNET
«De toutes les manières, vraiment, l’Europe a semé le vent, et peut, en ces
jours angoissants de terrorisme et de guerre ouverte ou larvée, craindre
d’avoir à récolter, avec le renfort catastrophique des faucons américains… la
tempête»
JEAN-MARIE
VODOZ, ancien rédacteur en chef
Publié
le 24 août 2006
21
août.
Etonnée,
puis attentive, l'Europe observe la marée littéraire venue de l'Inde. Il y eut,
coup de cymbale annonciateur, Les Versets sataniques de Salman Rushdie et le
décret de mort lancé contre le romancier par le sinistre vieillard de Téhéran.
Puis un déferlement de pages attachantes, mouvementées: on y voyait, sous la
plume de Tarun Tejpal, puis de Rushdie encore, le Pendjab et le Cachemire,
paradis perdus; la merveilleuse beauté de leurs vallées, vergers et forêts
touffues sous la garde étincelante des glaciers; mais également la violence,
les guerres avec le Pakistan, les massacres entre hindous et musulmans, et la
déchéance d'un Etat qui, loin de suivre le chemin de son prophète Gandhi, couve
sa bombe atomique, protège ses nouveaux riches, lance contre ses pauvres une
police impitoyable et souvent sadique.
Il
y eut, à la fin des années nonante, Le Dieu des petits riens, ce roman d'une
femme: Arundhati Roy, triomphalement reçu, couronné, par le monde anglo-saxon.
Là, on eût dit que la nature subtropicale, perpétuellement pourrissante,
contamine les humains, les enfonce dans le marécage de leurs superstitions et
de leur cruauté: l'auteur elle-même, à chaque épisode, se complaît dans les
détails ignobles, et finit par décrire un couple d'amants maudits (lui n'étant
qu'un intouchable) qui prennent pour mascotte et compagne de leurs délices à
ciel ouvert une araignée laidement occupée à transporter le long de leurs
flancs voluptueux une poussière, une feuille en décomposition, le thorax évidé
d'une abeille…
On
ne peut, à partir de quelques œuvres écrites en anglais (mais les éditeurs
francophones attendent, paraît-il, une avalanche de livres traduits des langues
«régionales» du sous-continent!), comprendre les désirs et les peurs d'une
littérature immensément foisonnante. Dans ce début de concert, cependant, on
est frappé par une basse continue: le coupable échec d'une société; le mépris
qu'encourent ceux qui la conduisent et la fourvoient; et la fascination que ne cesse
d'exercer l'Occident moderne.
L'auteur
le plus explicite, à cet égard, est un ami d'Arundhati Roy, le jeune Pankaj
Mishra (il faudra nous habituer à ces noms désormais illustres, mais qu'il nous
est dur de mémoriser!), auteur d'une quête du Graal bouddhique intitulée La Fin
de la souffrance. Il relève le bouleversant paradoxe dont nous ne sommes pas
assez conscients, et qui pourtant éclaire l'histoire contemporaine: les
puissances européennes ont dominé, manipulé, humilié les vieilles civilisations
qui les entouraient; entre elles-mêmes, de plus, elles se sont livré des
guerres affreuses; et puis, aujourd'hui réconciliées, elles présentent au monde
un exceptionnel espace de tranquillité, de tolérance, de prospérité. Alors,
oublieuses de leurs propres expéditions coloniales (dont l'Etat d'Israël peut
apparaître comme une détestable survivance), elles regardent, étonnées, le
grabuge qui se produit dans leurs ex-empires, où s'affrontent maintenant les
milieux les plus favorisés, qui voudraient aligner leurs pays sur les valeurs,
les méthodes, les techniques de l'Occident; et la masse des desperados,
lesquels entourent d'un emballage islamique non seulement leurs frustrations,
mais aussi – inconsciemment peut-être – l'arsenal révolutionnaire forgé par les
«progressistes» européens.
De
toutes les manières, vraiment, l'Europe a semé le vent, et peut, en ces jours
angoissants de terrorisme et de guerre ouverte ou larvée, craindre d'avoir à
récolter, avec le renfort catastrophique des faucons américains… la tempête.