With One Tweet, Trump Undermines the French Mediation in Iran

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En un tweet, Trump mine la médiation française en Iran

ANALYSE. Le président américain a annoncé sur Twitter de nouvelles sanctions alors que le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron était reçu à Téhéran.

La mission française en Iran était déjà délicate. Au lendemain de l’annonce, la semaine dernière, par Téhéran d’une nouvelle violation de ses engagements inclus dans l’accord sur le nucléaire iranien, le président Emmanuel Macron avait dépêché à Téhéran son conseiller diplomatique Emmanuel Bonne pour œuvrer à la « désescalade » entre les États-Unis et la République islamique. Objectif du voyage : tenter de convaincre les Iraniens de revenir sur leurs manquements (dépassement du stock de 300 kilogrammes d’uranium faiblement enrichi ainsi que du degré limite d’enrichissement à 3,67 %, NDLR) pour éviter que l’Iran ne soit sanctionné par les autres pays signataires (France, Royaume-Uni, Allemagne, Chine et Russie) et ainsi sauver ce qu’il reste de l’accord sur le nucléaire iranien.

En échange, la France, dont le président s’est entretenu à plusieurs reprises avec son homologue américain et iranien, a présenté à Téhéran des « mesures intermédiaires » liées aux sanctions américaines sur ses exportations pétrolières qui étouffent son économie, vraisemblablement la possibilité pour certains pays de bénéficier à nouveau d’exemptions américaines pour continuer à acheter des hydrocarbures iraniennes. C’était compter sans l’imprévisibilité d’un certain Donald Trump. Mercredi en fin d’après-midi, alors que le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron était reçu à la présidence iranienne, le président américain s’est laissé aller à un tweet annonçant de nouvelles sanctions « considérables » contre Téhéran.

Un torpillage en 259 caractères

« L’Iran enrichit [de l’uranium] depuis longtemps en secret, en violation totale de l’horrible accord à 150 milliards de dollars conclu par John Kerry et l’administration Obama », a tweeté le pensionnaire de la Maison-Blanche en référence à l’accord sur le nucléaire iranien, dont il s’est unilatéralement retiré en mai 2018 alors que l’Iran respectait bel et bien tous ses engagements, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Et le président américain d’avertir dans le même message : « Les sanctions vont bientôt être durcies, considérablement ! » En 259 caractères, Donald Trump torpillait les efforts français visant à obtenir une « pause » dans la crise entre Washington à Téhéran, notamment grâce à la suspension de certaines mesures punitives américaines.

« Le président iranien Hassan Rohani n’a pas manqué de relever le tweet de Donald Trump au conseiller de Macron », raconte une source diplomatique qui a assisté à la scène. « Si Donald Trump impose réellement de nouvelles sanctions, alors il crispera considérablement les Iraniens et il en sera fini de la médiation française », avertit l’ancien ambassadeur de France en Iran François Nicoullaud. Étonnamment, un scénario semblable s’est déjà produit il y a un mois, lors de la tentative de médiation du Premier ministre japonais Shinzo Abe à Téhéran, pourtant approuvée par le président américain. « Trois jours avant son arrivée en Iran, Donald Trump avait sanctionné le secteur iranien de l’industrie pétrochimique et avait ainsi coulé les négociations », rappelle l’ancien diplomate français.

Quelle marge de manœuvre pour Macron  ?

« La communication politique de Donald Trump ne présage pas de ses intentions sur l’Iran », veut pourtant croire une source très au fait de la crise américano-iranienne. « Le président américain est clair sur un point. Il souhaite un bon accord avec l’Iran, fruit de négociations directes avec Téhéran, pas le renversement de la République islamique. »

À en croire l’Élysée, le tweet de Donald Trump n’a pas contrarié la mission française à Téhéran. « Le conseiller diplomatique français est allé dire aux Iraniens que les conversations entre Emmanuel Macron et Donald Trump permettaient d’espérer une pause dans l’escalade, confie une source diplomatique. Et les Iraniens ont fait part de leur intérêt pour ce message et souhaitent poursuivre le dialogue, notamment dans un contexte où beaucoup de partenaires de la République islamique délaissent le pays. »

Si l’initiative est saluée du côté iranien, beaucoup s’interrogent sur la marge de manœuvre réelle dont dispose le président français vis-à-vis de son imprévisible allié américain et sa stratégie de « pression maximale » visant à mettre l’Iran à genoux pour le contraindre à accepter un accord global (sur le nucléaire, le programme balistique et les activités régionales « déstabilisatrices » de Téhéran). « Les Américains n’accepteront pas de supprimer des sanctions simplement pour que l’Iran revienne dans le cadre de l’accord sur le nucléaire, estime François Nicoullaud. Ils réclameront davantage que le simple respect par Téhéran de l’accord sur le nucléaire. »

Pour l’heure, la France a fixé à Téhéran la date du 15 juillet prochain pour apporter une première réponse à ses propositions. Mais la position française est d’autant plus délicate que Paris, en compagnie de ses autres partenaires signataires de l’accord, pourrait être amené à son tour à devoir sanctionner Téhéran si celui-ci ne revient pas rapidement à la totalité de ses engagements sur le nucléaire.

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