De
passage à Paris, Rumsfeld est attaqué
pour tortures
Par Julien
Martin (Rue89)
26/10/2007
Trois pages et vingt-sept
pièces annexées. La plainte française déposée jeudi par quatre associations de défense
des droits de l'homme contre Donald Rumsfeld est détaillée
et accablante. L'ancien secrétaire d'Etat américain à la Défense, entre 2001 et 2006, est accusé de tortures, particulièrement à l'encontre de prisonniers d'Abou Ghraïb en Irak et de Guantanamo à Cuba.
Il s'agit de la cinquième plainte visant celui qui est considéré comme
l'un des architectes de la
guerre en Irak. Deux plaintes pénales ont été rejetées
en Allemagne (la seconde fera cependant
l'objet d'un appel la semaine prochaine) et deux autres ont
été introduites en Argentine
et en Suède.
Mais pour la première fois,
Donald Rumsfeld est
attaqué alors qu'il se trouve au même moment dans le pays dans lequel la plainte est déposée.
Arrivé jeudi à Paris, il
y a donné une conférence vendredi matin. Sans préciser
la durée de son séjour.
Une présence qui oblige la
France à agir si elle ne
rejette pas la plainte, en
raison du mécanisme de compétence universelle défini par la Convention contre
la torture de 1984 et traduit dans
le droit français dix ans plus tard.
Dans la plainte française, que Rue89 s'est procurée, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen (LDH), le Center for
constitutional rights (CCR) et le European center for constitutionnal
and human rights (ECCHR) demandent "de prendre toutes mesures conservatoires aux fins d'assurer
la détention de cette personne ou sa
présence sur le territoire français":
Témoignages d'anciens détenus et de militaires américains alimentent largement la plainte, qui liste les méthodes d'interrogatoires incriminées:
privation de sommeil deux jours durant, interrogatoire
de 20 heures, humiliation sexuelle,
menaces religieuses ...
Surtout, sont annexés des mémorandums qu'aurait rédigés Donald Rumsfeld lui-même. La gravité des propos se mêle au cynisme de certaines citations:
"Je reste debout entre huit
et dix heures
par jour. Pourquoi le maintien
en position debout est-il limité à quatre
heures [pour les prisonniers]?"
Patrick Baudouin,
l'avocat qui a déposé la plainte, a organisé ce vendredi
à Paris une conférence de presse pour faire
la publicité de son action en justice. Histoire que la pression médiatique soit supérieure à la pression politique:
"Sur le plan juridique, il y a peu de plaintes
qui sont aussi indiscutables.
Reste l'aspect politique: on touche à l'administration Bush... Mais il ne doit pas y avoir
d'impunité."
Au Tribunal de grande instance de Paris, la communication se limite au strict nécessaire.
Laurence Abgrall, vice-procureur
de la République, confie à Rue89 que "la plainte ne devrait
pas rencontrer de problème majeur", mais avant de la traiter "on vérifie qu'on est
bien compétent":
"La difficulté
est de savoir si Donald Rumsfeld est protégé ou non. On est aussi en train de vérifier s'il est
toujours en France. Mais je ne peux pas vous
en dire plus."