Iraq: The Worst is Yet to Come

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Irak: le pire est encore à venire

LA RÉDACTION | 18h54 «Quatre ans après, les Etats-Unis sont devenus la source même du problème»

Des images jaunies, des souvenirs qui finalement s’estompent. Les anniversaires servent d’habitude à faire remonter à la surface un passé dont on perd peu à peu la trace. Le 9 avril, date de l’entrée des troupes américaines dans Bagdad, ne remplit pas cette fonction. Les images sont toujours d’actualité. Elles sont remplies de sang et de feu. Elles racontent l’histoire d’un naufrage en cours, d’un conflit qui a déjà coûté la vie à des centaines de milliers d’Irakiens et à un peu plus de 3200 Américains.

Restons dans les chiffres sordides pour donner un sens à cette monstruosité: 500 milliards de dollars envolés au seul bénéfice, peut-être, de certaines compagnies américaines; au moins deux millions d’exilés, en majorité des médecins, des architectes, des commerçants. Bref, la force vive de la nation a quitté un pays plongé dans plusieurs guerres, comme le rappelait Robert Gates, ministre américain de la Défense.

Tout le monde parle d’Al-Quaida et de sa folie destructrice. Mais ce n’est là qu’un petit aspect du problème. Les chiites se battent entre eux. Pour le pouvoir. Contre les sunnites qui aimeraient le récupérer. Ces deux communautés, parfois, se retrouvent sur un seul point: la lutte contre le «libérateur» devenu très rapidement l’envahisseur.

Et puis, on en parle moins, l’Irak est devenu le pays de l’anarchie où brigands, rançonneurs et mafias cohabitent, sans qu’il soit toujours possible de les distinguer, avec des milices qui ont leurs entrées au gouvernement. Dans cet enfer, les Américains tentent vaille que vaille de parer au plus pressé. En envoyant des renforts qui ne servent qu’à alimenter le feu. Pour la simple et bonne raison que les Etats-Unis sont devenus la source même du problème.

Souvenez-vous, moins d’un mois après l’entrée des GI’s à Bagdad, le 9 avril 2003, George W. Bush déclarait en fanfaronnant, sur un porte-avions, que la guerre était terminée. L’histoire est souvent cruelle. Jusqu’ici, le seul pôle de stabilité en Irak se trouvait du côté des Kurdes irakiens, fidèles soutiens, peut-être les derniers, des Américains. Mais les Kurdes aussi commencent à être pris dans l’engrenage. Le président Talabani a évoqué l’occupant américain, alors qu’il lui doit son poste. Et comme en écho, l’autre chef kurde, Massoud Barzani, a menacé de se mêler du problème kurde en Turquie. Autant dire qu’une bombe à retardement vient d’être enclenchée. Avec une mèche courte, qui se trouve à Kirkouk, où aura lieu, normalement cette année, un référendum qui doit déterminer si la ville pétrolière doit être rattachée à la région kurde. Un référendum naturellement inacceptable pour la Turquie. Ankara, défenseur de la minorité turkmène, pourrait trouver là un prétexte pour intervenir militairement. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, l’a fait savoir haut et fort. Un 9 avril, bien sûr, comme pour appuyer ses propos.

L’Irak a été envahi à la suite d’un coup de folie idéologique des néoconservateurs américains qui rêvaient d’y greffer artificiellement la démocratie et plus probablement la Pax americana. Quatre ans plus tard, l’Irak est plongé dans le chaos, dans plusieurs guerres. Et le pire est sans doute à venir.

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