Can Obama Tame the Climate?

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La rigueur de cet hiver ne doit pas faire oublier la réalité du réchauffement climatique. Le président américain semble vouloir faire de son pays un leader dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre

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Un vent nouveau a envahi ces derniers jours la politique américaine et mondiale avec l’investiture de Barack Obama le 20 janvier dernier, tandis qu’un vent mauvais balayait le sud-ouest de la France quatre jours plus tard. On tentera de mettre en relation ces deux événements fort médiatisés…

La première tentation devant la violence de la tempête Klaus, qui s’est abattue le 24 janvier sur le nord de l’Espagne et le sud-ouest de la France, et la désolation laissée derrière elle dans les vastes pinèdes des Landes, c’est de mettre cet événement en relation avec le réchauffement climatique.

Une autre tentation, celle des sceptiques du climat cette fois-ci, est d’essayer de démontrer que

l’hiver le plus froid que nous vivons en Suisse depuis 1987 est la preuve que le réchauffement climatique n’existe pas. De quoi confondre plus d’un, en effet…

A propos de l’hiver actuel en Suisse, il a été dit à de nombreuses reprises que le réchauffement de la planète se remarque sur le long terme et à des échelles spatiales continentales, hémisphériques et planétaires, et non pas sur la base d’une saison confinée à une partie de l’Europe. La tendance au réchauffement se manifeste depuis plus d’un siècle et s’est accélérée depuis les années 1990 conformément aux prévisions. Cela n’empêche pas de voir revenir parfois une ou plusieurs saisons particulièrement froides, ce qui ne fait que momentanément fléchir la hausse des températures atmosphériques. C’est ce que l’on appelle la «variabilité naturelle» du climat, autrement dit la combinaison de nombreux mécanismes qui font fluctuer le climat autour d’une certaine norme. Il se peut que nous soyons actuellement dans une conjonction de modes climatiques favorables à une série d’hivers froids, mais tôt ou tard la hausse se poursuivra.

En ce qui concerne la tempête du 24 janvier, il n’est pas possible non plus de la mettre en relation avec le réchauffement climatique car, s’il y avait une relation directe de cause à effet entre un niveau de température particulier de l’atmosphère et la fréquence ou l’intensité des tempêtes, on devrait logiquement assister, non pas une fois par décennie mais plusieurs fois l’an, à un déferlement de ces perturbations. La température de l’atmosphère, comme source d’énergie, représente certes une condition nécessaire à ce type de tempête, mais c’est une condition insuffisante. En effet, les tempêtes hivernales comme Lothar à la fin de 1999 ou comme le tout récent Klaus sont générées par des mécanismes hydrodynamiques complexes, notamment les écarts de température à la surface, l’énergie latente libérée par la formation de nuages, ou encore l’énergie cinétique fournie par le comportement du vent en fonction de l’altitude. Dans certaines conditions, une petite perturbation naissant par exemple au large des côtes américaines peut s’amplifier pour atteindre la même intensité que celle qui a détruit en quelques heures 60% environ des forêts landaises. Fort heureusement, seule une infime fraction des perturbations atmosphériques se développe pour atteindre le degré d’intensité de Klaus et l’on voit ainsi que des tempêtes extrêmes se manifestent indépendamment de la tendance au réchauffement. De plus, les projections d’avenir des modèles de climat ne semblent pas indiquer une hausse du nombre de tempêtes (en tout cas dans les régions récemment touchées par Klaus ou celles dévastées en Suisse par Lothar il y a bientôt dix ans). Peut-être parce qu’il y aura une certaine compensation entre les mécanismes responsables de l’amplification de ces tempêtes? Ce qui est certain, en revanche, c’est que d’autres types d’extrêmes météorologiques et climatiques augmenteront en fréquence et en intensité, notamment les canicules, les pluies extrêmes et les sécheresses…

Et Barack Obama dans toute cette problématique? Les espoirs suscités par son élection après huit ans d’un règne aux tristes résultats font la une de la presse, que ce soit par rapport aux questions sociales (santé, éducation), économiques (plan de relance), technologiques (énergie), d’éthique, ou environnementales. Il est indéniable que le nouveau président s’est entouré d’une équipe dont les compétences collectives ou individuelles ont rarement été égalées à Washington. L’enthousiasme et l’éloquence d’Obama donnent en tout cas envie d’y croire.

En nommant John Holdren au poste de «M. Climat» aux Etats-Unis, Barack Obama a définitivement tourné la page de l’ère Bush et semble entreprendre au pas de course des projets de réforme concernant l’énergie et la mobilité, sources d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre. L’Amérique revient enfin à la table des négociations avec une attitude proactive, surtout dans une année charnière où il va falloir se mettre d’accord sur la mise en œuvre de l’après-Kyoto lors de la conférence ministérielle qui se tiendra à Copenhague en décembre. Si ce que l’on voit depuis le 20 janvier à Washington se poursuit au même rythme, les Etats-Unis pourraient même (re)devenir le leader mondial de la lutte contre le réchauffement climatique. Il n’y a en effet pas réellement de leadership européen permettant de tracer la voie pour le reste de la planète, même si depuis une année ou deux l’Europe a fait des propositions de mesures intéressantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, propositions ratifiées fin 2008 par les 27. A l’avant-garde de l’environnement il y a dix-quinze ans, la Suisse se contente aujourd’hui de s’aligner sur les positions européennes, ce qui n’est pas mauvais en soi mais illustre bien le manque de leadership.

Barack Obama a raison d’agir vite et de rattraper le temps perdu. Une étude parue tout récemment dans la revue Nature indique que l’inertie du système climatique est telle que, passé un certain seuil de température, il faudra attendre l’an 3000 avant que le climat retrouve son niveau actuel, quelles que soient les mesures de protection prises. Si l’atmosphère était le seul élément du climat en jeu, l’inertie serait beaucoup moins importante (quelques mois à quelques années). Mais l’atmosphère qui se réchauffe communique sa chaleur à l’océan qui, à son tour, la stocke dans ses couches superficielles; les glaces polaires se rétrécissent, accélérant le réchauffement de régions froides jusqu’ici. Si par la suite les températures atmosphériques devaient se stabiliser, la chaleur stockée dans les océans serait lentement mais sûrement restituée à l’atmosphère, et ce pendant des siècles. Les nouvelles conditions thermiques des pôles ne permettraient plus alors à l’atmosphère de se refroidir, au contraire. On peut comparer cette inertie océanique à la plaque électrique d’une cuisinière qui chauffe en quelques secondes, mais demande des dizaines de minutes pour se refroidir – continuant à diffuser sa chaleur dans l’air.

Devant un constat aussi pessimiste, on pourrait se demander si cela vaut la peine d’entreprendre maintenant des mesures coûteuses s’il faut attendre un millénaire pour que le climat se calme… La réponse est clairement oui: nous nous trouvons peut-être dans les dernières années où, si l’on prend les mesures qui s’imposent, il est encore possible d’infléchir le réchauffement climatique sur quelques décennies plutôt que sur des siècles. Un défi qu’Obama semble vouloir relever, ce qui pourrait briser une autre inertie, celle du monde politique face à la nécessité de prises de décisions importantes.

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