Arabs Must Take Obama Seriously

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“Les Arabes doivent prendre Obama au sérieux”

Le premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, évoque ses “bonnes relations” avec l’Iran.

Des Irakiens dénoncent les ingérences de l’Iran dans vos affaires intérieures. La victoire électorale de Mahmoud Ahmadinejad aura-t-elle des conséquences ?

Nos relations sont bonnes. Elles doivent rester marquées par le respect mutuel et la non-ingérence. Un grand vide politique s’est créé en Irak après l’intervention armée étrangère en 2003. Cela a produit, c’est vrai, beaucoup d’ingérences de divers pays de la région dans nos affaires. Toujours sous prétexte de protéger leurs propres intérêts nationaux bien sûr. Mais depuis le rétablissement de notre souveraineté et de l’ordre civil dans le pays, nous y avons mis un terme.

Comme tous vos prédécesseurs depuis 2003, vous allez régulièrement rencontrer le Grand Ayatollah Ali Sistani qui est le “guide” religieux de beaucoup de chiites irakiens. Il vit en Irak depuis un demi-siècle, mais il est aussi iranien. Comment les choses se passent-elles avec lui ?

Je vais le voir aujourd’hui justement. C’est un grand marja (guide spirituel digne d’être “imité” dans la tradition chiite) et un sage. Cet homme a une vision vraiment pénétrante. Il n’intervient absolument pas dans les affaires de notre Etat. Il ne croit d’ailleurs pas au “gouvernement des clercs” (la velayat al-faqih, doctrine de l’ayatollah Khomeiny, le guide spirituel de la révolution islamique de 1979, décédé en 1989). Jamais il ne m’a dit, “faites ceci ou faites cela”. Au contraire il me répète : “L’Etat, c’est votre affaire”. Il se contente de donner son avis et, la plupart du temps, celui-ci est juste et fondé.

Téhéran vous demande toujours d’expulser les 3 500 Iraniens, militants des Moudjahidins du peuple, qui sont réfugiés depuis longtemps en Irak ?

L’Iran affirme qu’au moins 12 000 de ses citoyens ont été tués par l’action de ces gens. Ici, ils ont aidé Saddam Hussein à réprimer les Kurdes et les chiites. Ils ont commis des crimes. L’organisation est classée (par les Américains), comme terroriste. Nous refusons qu’ils restent chez nous. Que d’autres pays les reçoivent ! Ils doivent partir. Certains l’ont fait. L’Iran leur a offert une amnistie. Mais leurs responsables leur interdisent de l’accepter. Nous n’allons pas les livrer à Téhéran, mais ils n’ont plus leur place ici.

Les ouvertures du président des Etats-Unis, Barack Obama, à l’égard de l’Iran et du monde musulman en général peuvent-elles aboutir ?

Il a fait reculer la suspicion entre l’Occident et l’islam. Dans son discours du Caire, il a montré une grande compréhension des problèmes. Par rapport à l’ancienne administration américaine, une page se tourne. Je crois qu’il veut vraiment apaiser les tensions, entamer un vrai dialogue des civilisations. Il a commencé à donner des gages concrets, notamment sur la question israélo-palestinienne. Son engagement public à retirer toutes les forces américaines de mon pays d’ici à fin 2011 est également à mettre à son crédit. Des signaux positifs très concrets ont été envoyés. Le monde occidental doit le suivre sur cette question et le monde arabo-musulman doit le prendre au sérieux.

Mais M. Obama promet aussi de ne plus intervenir dans les affaires intérieures des pays. S’il avait été président en 2003, l’Irak n’aurait pas été envahi et Saddam Hussein serait peut-être encore au pouvoir…

Nous-mêmes, malgré nos souffrances, n’étions pas favorables à cette guerre. Je suis personnellement opposé au principe de l’ingérence armée. Quand elle s’avère inévitable, il faut qu’elle soit légale, internationalement validée par l’ONU.

Les troupes américaines se retirent dans des bases, hors des villes irakiennes à la fin du mois. Les rappellerez-vous à l’aide si, comme certains l’avancent, les groupes armés irakiens en profitent pour redoubler de violence ?

Uniquement pour des besoins logistiques. Nous ne leur demandons plus d’intervenir dans les combats ou les opérations de maintien de l’ordre. C’est terminé. C’est surtout pour transporter nos troupes que nous faisons appel à eux parce que nous n’avons plus d’avions. Voilà pourquoi nous allons acheter des hélicoptères à la France et aux Etats-Unis.

Je ne crois pas à une explosion de violence après le 30 juin. De toute façon, les rapports américains eux-mêmes disent que nos forces sont aptes à prendre le relais. Il n’y aura pas de retour en arrière, il n’est pas question de revoir l’accord de retrait américain (conclu en décembre 2008 et qui prévoit le départ définitif de tous les Américains d’Irak au 31 décembre 2011).

Certains prétendent que l’Irak ne peut être gouverné que par un “homme fort”. Vous-même demandez la fin du régime parlementaire en vigueur depuis 2004 pour un système présidentiel, dit-on…

Personne ici ne veut revenir en arrière. Cela dit, oui, je crois que le système est plus représentatif quand le chef de l’Etat est directement élu au suffrage universel. En Irak, un président élu serait plus apte à mettre fin au système de quotas communautaristes et confessionnels. Ce n’est encore qu’une idée, une proposition. Il faut en discuter, convaincre et trouver une majorité pour le faire.

Pourtant, vous avez vous-même été élu en 2005 sur la liste dite de la “coalition chiite”. Allez-vous recommencer aux élections générales de janvier 2010 ?

Ce ne sera pas une “coalition chiite” mais une “coalition nationale de l’Etat de droit”. Elle aura un programme national et sera ouverte à toutes les composantes nationales : sunnite, kurde, chiite et autres.

Les Américains se montrent inquiets sur le devenir des “comités du réveil”, ces anciens rebelles sunnites qui ont rejoint le combat contre Al-Qaida en 2007 et dont vous aviez promis l’intégration dans les forces de l’ordre. Ils craignent que ceux qui ne sont pas intégrés repassent à “l’ennemi” ?

Nous connaissons mieux la réalité de ces “comités” que les Américains. Quand eux-mêmes s’y opposaient, j’ai été le premier à les encourager, à les soutenir. Et puis le mouvement s’est emballé. Quand j’ai demandé à la fin de l’an dernier aux Américains combien d’hommes ils avaient recruté, ils m’ont dit 53 000. J’ai dit “d’accord, on les intégrera. Donnez-nous vos listes”. Six semaines après, il y avait 107 000 noms ! Certains officiers de la Coalition se sont montrés trop peu sélectifs. Comme avec la création de la police en 2003-2004 d’ailleurs. Des milliers de gens sans entraînement et parfois même suspects de collusion avec les milices ou Al-Qaida avaient été recrutés. Nous avons dû en congédier 30 000 ces dernières années !

Avec les “Fils de l’Irak”, comme nous avons baptisé ces “comités du réveil”, c’est une véritable armée confessionnelle sunnite qui était en voie de formation si l’on n’y prenait garde. Ils ont été très utiles à la nation. Ils ont grandement contribué à la mise en échec d’Al-Qaida. Nous allons tenir nos engagements. Mais ils ne sont pas au-dessus des lois. Ceux qui ont commis des crimes seront jugés. Nous allons en intégrer environ 20 % dans les forces de l’ordre. Nous continuerons de salarier les autres jusqu’à ce qu’on leur trouve un emploi. Mais on ne peut pas intégrer tout le monde.

Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a toujours refusé de vous recevoir. Le régime sunnite rigoriste qu’il dirige n’aurait-il toujours pas accepté que des chiites dirigent un grand pays arabe ?

Moi, je n’ai aucun problème personnel avec le roi. Ma première visite en tant que premier ministre fut chez lui, en 2006. Il faut lui demander s’il a un problème avec moi. Généralement, j’ai de bons rapports avec tous ceux qui aiment mon pays.

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