American Markets: “There Is an Over-Valuation Phenomenon”

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Bourses américaines : “Il y a un phénomène de survalorisation”

Le Monde.fr | 14.03.2012 à 19h13 • Mis à jour le 14.03.2012 à 19h14

Par Propos recueillis par Anna Villechenon

Le Dow Jones, indice vedette de la Bourse de Wall Street, a terminé la séance, mardi 28 février, à 13 005 points – une première depuis mai 2008. | AFP/TIMOTHY A. CLARY

Pierre Sabatier, stratégiste et président du cabinet de recherche économique et financière Primeview, estime que la bonne santé des marchés américains s’explique par la survalorisation des actions et la politique de soutien de la Réserve fédérale (Fed).

Alors que les grandes banques ont, en majorité, passé avec succès les stress tests 2012, les indices des Bourses américaines atteignent des niveaux qu’elles n’avaient plus connu depuis le début de la crise. Pourquoi une telle euphorie ?

Effectivement, les marchés américains ont des niveaux de valorisation très élevés, qui se situent à 10 % près de leur plus haut niveau d’avant la crise de 2007-2008 – crise la plus importante que l’on ait connue depuis quatre-vingts ans. Mais même si l’économie américaine se porte mieux – le taux de chômage est descendu à 8,3 %, la consommation des ménages se maintient, le marché de l’immobilier se stabilise -, ce n’est pas une condition suffisante pour justifier la valorisation des marchés aujourd’hui.

Si les marchés américains sont si hauts, c’est parce que la Réserve fédérale [banque centrale américaine, Fed], premier prêteur de l’Etat, est hyperactive – de façon inédite – pour redynamiser l’économie : elle y injecte des liquidités, soit en achetant directement des actions, soit en intervenant indirectement sur les marchés. Résultat : les investisseurs ont de l’épargne à placer et ils recommencent donc à investir dans les marchés d’actions et dans les actifs risqués – ce qui n’est pas le cas en Europe.

Pourquoi y a-t-il un tel écart entre les marchés américains et européens, qui restent à des niveaux bien inférieurs à ceux enregistrés avant la crise ?

Ce décalage s’explique justement par la politique de soutien systématique des marchés, que ce soit au niveau monétaire ou budgétaire, entreprise par les Etats-Unis, qui est accommodante pour les investisseurs – politique dont ne bénéficient pas les marchés européens.

Aujourd’hui, la politique budgétaire européenne est particulièrement défavorable aux investissements puisque tous les pays membres, ou presque, entrent dans une phase d’austérité et de rigueur. Aux Etats-Unis, c’est tout l’inverse : les moteurs de soutien marchent à plein régime pour soutenir l’économie et surtout les marchés. C’est pourquoi je ne parlerai pas d’un retard de valorisation du côté européen, car ce terme sous-entendrait que nous allons les rattraper, ce dont je ne suis pas sûr.

Par ailleurs, il faudra bien que Washington, lui aussi, finisse par s’occuper de son énorme déficit budgétaire. Cela devrait débuter dans le courant de l’année et s’accélérer l’année prochaine. Dans ces conditions, il faudra plutôt s’attendre à ce que ce soit les marchés actions américains qui convergent vers les niveaux de valorisation européens.

La bonne santé des marchés américains est-elle artificielle ?

Je pense qu’elle reste fragile. On observe certes une amélioration sur le chômage et sur l’économie réelle aux Etats-Unis, mais à des niveaux bien inférieurs à ceux d’avant crise, alors que du côté des marchés, la valorisation des actifs boursiers et financiers est déjà supérieure à ces niveaux d’avant crise.

Pour moi, il y a un phénomène de survalorisation. Premièrement, les actions sont survévaluées parce qu’il y a tout simplement trop d’argent en circulation par rapport à ce que la santé de l’économie américaine justifie.

Deuxièmement, cette valorisation est fondée sur un excès d’optimisme quant à la capacité des ménages à continuer à consommer. Or, aux Etats-Unis, le cycle de désendettement des ménages commence à peine et durera au moins une dizaine d’années.

Pour mettre en œuvre ce désendettement, les ménages vont devoir épargner, donc moins consommer. Par conséquent, il y aura moins de chiffre d’affaires et moins de profits pour les entreprises, donc la valeur des actions va baisser… et la survalorisation, disparaître.

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