In March, America Goes Mad

<--

En mars, l’Amérique devient folle

Mars est le mois des folies. La “March madness” ou “folie de mars” fait partie des rites nationaux, comme le Superbowl de football. Loin des divisions insurmontables, le pays communie dans la même frénésie. Le football n’y est pour rien. La folie de mars est due au basket. Et plus précisément à un tournoi universitaire entre les meilleures équipes du pays. Ceux qui diront qu’il n’y a pas de quoi tomber en transes ne connaissent pas le “bracket”, la petite feuille où l’on inscrit ses pronostics.

C’est simple : au départ, 64 équipes sont en lice. A chaque match, l’équipe perdante est éliminée. Le système favorise les surprises et fait souvent monter l’adrénaline en fin de partie.

Chaque année, ils sont des millions à parier sur les résultats. Dans les bureaux, les salariés remplissent leur “bracket”. La productivité s’en ressent, mais les psychosociologues d’entreprise conseillent de laisser faire : 86 % des employés ne voient pas d’inconvénient à suivre les matchs pendant les heures de travail. Et, avec les smartphones et les tablettes, il est difficile de les en empêcher. Pour 3,99 dollars, les fans peuvent suivre le tournoi en streaming sur le site de la NCAA, l’association sportive des universités. Quand le chef débarque à l’improviste, il suffit d’un clic sur le “boss button”, et le match laisse la place à un faux e-mail…

Barack Obama, qui est un basketteur acharné (c’est lui qui coache l’équipe de sa fille Sasha tous les samedis matins), remplit lui aussi son bracket, et ce devant les caméras de la chaîne sportive ESPN, qui a créé une séquence spéciale “baracketologie”.

Stylo en main, il soupèse les chances des équipes avec l’autorité d’un commentateur sportif (en 2009, il a donné le vainqueur). Le 14 mars, il a emmené David Cameron, le premier ministre britannique, au match à Dayton. Les deux dirigeants ont mangé des hot-dogs dans les gradins comme tout le monde. Le jeu était des plus médiocres, mais la Maison Blanche, l’oeil sur le calendrier électoral, avait (encore) choisi l’Ohio, un Etat crucial sur la route de la réélection.

A sept mois de la présidentielle, l’autre accès de “march madness” se déroule sur le circuit du fundraising, la collecte de fonds de campagne. Vendredi, le président-candidat a battu son record : cinq réunions en une seule journée et dans deux Etats différents.

A Chicago, il a prononcé un discours devant 600 partisans qui avaient payé 2 500 dollars chacun, avant de poursuivre par une table ronde avec 60 fidèles (plus de 10 000 dollars par tête). A 17 h 25, il a atterri à Atlanta. A 18 heures, il était chez un homme d’affaires du quartier résidentiel de Sherwood Forest (75 invités, 10 000 dollars chacun). A 18 h 45, dans les studios de l’acteur-producteur Tyler Perry (1 000 personnes, de 250 à 500 dollars). A 20 h 00, dans le manoir français du même Tyler Perry (35 800 dollars par tête). A 22 h 57, Air Force One a décollé d’Atlanta. Recette de la journée : 5,5 millions de dollars.

Les sondages sont en folie eux aussi. La semaine dernière, Gallup a rapporté une chute de 7 points de la cote de popularité du président en une nuit. Et lundi 19, un retournement de six points, en sens inverse, mais tout aussi inexpliqué. Il arrive maintenant à Michelle de tenir deux réunions par jour. Elle détaille les mesures prises par ce “président extraordinaire” qu’est “Barack” et cajole son auditoire. “Il a une mémoire comme un piège d’acier. Il lui suffira de vous avoir vu une fois, il se souviendra de vous. Si ce n’est pas de votre nom, du moins de votre histoire”, disait-elle lundi à New York dans le restaurant de Robert De Niro à Tribeca.

L’acteur, lui, a inversé le raisonnement de 2008, selon lequel le pays n’était pas prêt pour un président noir. “Callista Gingrich. Karen Santorum. Ann Romney, a-t-il énuméré. Pensez-vous vraiment que notre pays soit prêt pour une First Lady blanche ?” La foule a rugi, et De Niro a ajouté : “C’est trop tôt, hein ?”

Le soir même, Michelle passait dans l’émission humoristique de David Letterman. Même Bo a eu droit à des compliments : il est le chien “le plus intelligent de cette planète”. Lundi, le vice-président Joe Biden, qui n’entend pas laisser passer son tour, a assuré que le raid dans lequel Oussama Ben Laden avait été tué surpassait tout ce qui avait été fait jusque-là pendant le dernier demi-millénaire. “Vous pouvez remonter à cinq cents ans, vous ne trouvez pas plan plus audacieux”…

Et il y a encore 230 jours avant les élections. Folie, on vous dit…

About this publication