Folding in Front of the US Will Save Us from Neither Shame Nor War

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Plier devant les Etats-Unis ne nous épargnera ni la honte, ni la guerre

L’avocat Douglas Hornung estime que la Suisse n’a plus de capitaine pour défendre ses intérêts et ses valeurs. Que le parlement soit ce capitaine qui aide le pays à relever la tête, écrit-il

Le parlement est saisi d’un ­projet de loi d’exception qui autori­serait les banques suisses à par­ticiper au programme de «réconciliation» proposé par les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre fiscale.

Certains considèrent qu’«on n’a pas le choix». Si on n’obéissait pas à l’ultimatum posé par les auto­rités américaines, celles-ci prendraient des sanctions contre ­Credit Suisse ou une banque cantonale, voire toutes les banques suisses. En les inscrivant sur une liste noire, en leur interdisant de faire des opérations en dollars ou sur le marché américain, Washington les condamnerait à une mort immédiate. L’exemple de la banque Wegelin est assez parlant sur les risques encourus et le sérieux des menaces. L’ultimatum américain est «non négociable» et «les Américains sont pressés». Il faut donc impérativement que le parlement décide au pas de course d’une loi d’exception qui mette à néant le droit suisse en la matière et autorise les banques à «collaborer».

Dans la foulée, les informations qui seraient transmises permettront aux autorités américaines d’avoir toutes les données relatives non seulement aux employés des banques mais aussi à toute la correspondance qui a pu être échangée entre une banque et des avocats externes (bonjour le secret professionnel!), des gestionnaires externes ou des fiduciaires (le secret des affaires étant aussi négligeable que le secret professionnel d’avocat).

Magnanimes, les Américains acceptent que les employés de banque dont les noms ont ainsi été communiqués puissent bénéficier – aux frais des banques – de l’assistance d’un avocat (mais seulement Américain et seulement une fois que l’employé est ennuyé, voire emprisonné, aux Etats-Unis; les autres pourront solliciter l’aide d’un avocat suisse à leurs propres frais).

Ce coup de force est parfaitement contraire à tous les principes de droit international. Il constitue une ingérence inacceptable dans la souveraineté d’un état indépendant et une violation crasse du principe séculaire d’égalité entre Etats souverains. Mais «on n’a pas le choix».

Eh bien, si, on a le choix! Le choix de ne pas se déculotter ­devant une puissance étrangère, aussi forte soit-elle. Le choix d’être le digne représentant d’une nation souveraine et démocratique, le choix de ne pas accepter de chantage – qu’il vienne de terroristes ou d’un pays ami –, le choix de défendre et d’appliquer des principes fondamentaux universellement reconnus, le choix de défendre ses institutions et ses normes, le choix qui honore et non le choix du déshonneur.

Churchill avait eu raison de dire à Chamberlain: «Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous avez eu la guerre.»

La situation est identique au­jour­d’hui. La Suisse a montré ses faiblesses. Elle est donc la cible d’attaques incessantes, non seulement américaines mais aussi de la part de pays européens. Elle s’est montrée fragile, peu scrupuleuse à défendre son droit, et capitularde dès que l’adversaire fronce les sourcils. Elle récolte aujour­d’hui les conséquences de cette politique de soumission, et ce n’est qu’un début. Alors que la panique règne à bord, la Suisse a besoin d’un capitaine. Que le parlement soit ce capitaine qui sait où sont les valeurs et qu’il les défende!

D’ailleurs, les Américains n’ont pas besoin d’informations ou de données supplémentaires. Les cinq grandes banques (Credit Suisse, HSBC, Julius Baer, les banques cantonales de Zurich et Bâle) ont déjà donné toute leur documentation. Elles n’ont plus qu’à négocier l’énorme amende que les Etats-Unis leur infligeront et il n’est nullement nécessaire d’avoir une loi d’exception les autorisant à donner ce qu’elles ont déjà donné! Elles ont commis des fautes graves? Qu’elles les assument, en commençant par les hauts responsables de cette politique suicidaire.

L’administration américaine menace d’autres banques? Qu’elle apporte ses preuves et démontre que d’autres auraient aussi fauté gravement. On verra bien à ce moment si cette autre banque ou ces autres banques ont une importance systémique qui exigerait de les sauver comme ce fut le cas pour UBS, ou s’il est préférable de la (les) laisser face à ses (leurs) responsabilités. La fin de la ­banque Wegelin n’a eu aucune ­im­portance, si ce n’est psycholo­gique, et ne nécessitait certainement pas que la Suisse renie ses principes et droits fondamentaux. D’ailleurs, elle l’a laissée choir.

Si les Etats-Unis menacent toutes les banques suisses d’interdire l’accès au marché américain ou de faire des opérations en dollars, qu’ils le disent clairement, ou que la Suisse saisisse les instances internationales telles que l’OMC pour dénoncer un abus de position dominante. Mais, de grâce, ne cédons pas à des chantages inadmissibles et restons maîtres et fiers de notre destin, comme de notre passé. On a le choix!

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