Spy Satellites: The United States Imposes Its Law on France

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Satellites espions: les Etats-Unis imposent leur loi à la France

Washington a fini par autoriser l’exportation de composants électroniques américains intégrés dans les satellites vendus à Abou Dhabi. Problème : le contrat signé l’année dernière pour plus 700 millions d’euros doit être renégocié.

Business is business. Barack Obama a beau avoir multiplié les témoignages d’amitié envers François Hollande et la France, les Etats-Unis ne font pas de sentiments sur le terrain commercial. Dernier exemple en date : le contrat « Falcon Eye » de satellites espions vendus en juillet dernier par EADS et Thales Alenia Space pour plus de 700 millions d’euros aux Emirats Arabes Unis va devoir être… renégocié. Parce que Washington a tout fait pour.

Le contrat a pourtant bel et bien été signé par les PDG de deux industriels français, en présence de Jean-Yves Le Drian et de cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyane, prince héritier du royaume et grand patron de la défense. Le ministre de la Défense français y est d’ailleurs pour beaucoup, lui qui a du faire plusieurs déplacements sur place pour arracher l’affaire face à Lockheed Matin, soutenu comme il se doit par l’administration américaine. Au-delà de son montant, ce contrat a signé le retour en grâce de la France dans ce pays en matière d’armement. La fête aura été de courte durée.

Le problème est venu de composants électroniques entrant dans la fabrication des satellites et fabriqués aux Etats-Unis. Non pas que ces composants arborent le moindre caractère sensible, ils sont même complètement banals, assure-ton aux « Echos ». Il n’en demeure pas moins qu’il figurent sur la liste dite « ITAR », du nom de la régulation américaine qui soumet leur exportation à autorisation de Washington, et qu’il ne serait pas économiquement rentable de produire en Europe pour s’éviter cette contrainte.

Les Français savaient évidemment qu’ils avaient besoin de cette autorisation. Mais ils ne s’attendaient visiblement pas à ce que la Maison Blanche mette autant de temps à donner son feu vert. « Dès lors que des composants Itar entrent en jeu, cela demande des efforts de conviction vis à vis des Etats-Unis », résume un bon connaisseur du dossier. L’affaire est tellement sensible qu’elle est remontée à l’Elysée. Jusqu’à ce que l’administration américaine lâche la bonne nouvelle à l’occasion de la visite d’Etat de François Hollande.

De nouvelles négociations à prévoir

Tout serait rentré dans l’ordre, sauf que le temps que l’autorisation soit donnée, la date de validité de contrat signé en juillet, qui comportait pourtant une marge de sécurité pour tenir compte de la réglementation Itar, a été enfoncée. Abou Dhabi a donc logiquement résilié le contrat. Il va donc falloir en signer un nouveau. Même si ça va prendre du temps, cela devrait bien être le cas : tous les processus financiers et administratifs locaux ayant déjà été validés, la probabilité qu’Abou Dhabi lance un nouvel appel d’offres est faible. A ceci prêt que les Emiratis, dont la réputation de négociateurs féroces n’est plus à démontrer, vont certainement en profiter pour arracher des concessions supplémentaires.

Jean-Yves Le Drian va donc peut-être devoir à nouveau mouiller sa chemise. En attendant, les Etats-Unis ont montré toute leur puissance sur ce dossier. Non seulement ils ont obligé les Français à relancer un round de négociations, ce qui est toujours risqué. Pire, ils ont rappelé à tous les pays, Arabie Saoudite notamment, qui veulent se doter de satellites espions, qu’ils peuvent faire la pluie et le beau temps. D’autant que ce marché est appelé à fortement se développer à tel point que certains évoquent un nouvel eldorado du spatial pour lequel la France dispose d’un savoir-faire rare. Les premiers à gagner des contrats seront donc en position de force.

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