Is the American Congress Another Knesset?

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Le Congrès américain, une autre Knesset ?

Le Point – Publié le 25/01/2015 à 14:21

L’invitation de la majorité républicaine du Congrès à Netanyahou est un camouflet à Obama et un signe de la connivence des législateurs américains avec Israël.

Par MICHEL COLOMÈS

C’était lors d’un des nombreux bras de fer du président Carter avec le Premier ministre israélien Menahem Begin, avant que le président des États-Unis ne réussisse à le forcer à signer la paix des braves avec l’égyptien Anouar el-Sadate. Déjà, le lobby juif du Congrès américain avait mis tous les bâtons possibles dans les roues du projet en essayant de faire capoter le rapprochement, arrachant à un ambassadeur de France qui avait servi aux États-Unis, cette exclamation : “Mais ce Congrès, c’est une autre Knesset !”

Négociations avec l’Iran

La remarque pourrait resservir telle quelle aujourd’hui avec l’invitation surprise à Benyamin Netanyahou, lancée par John Boehner, le leader de la majorité républicaine de la Chambre des représentants, à venir s’exprimer devant les deux chambres réunies. Une invite rendue officielle au lendemain du discours sur l’état de l’Union du président des États-Unis et qui constitue évidemment un camouflet à un Obama manifestement pris de court et publiquement contré sur l’un des points les plus délicats de son allocution : son souhait que les parlementaires américains n’entravent pas, en votant de nouvelles sanctions contre l’Iran, les délicates négociations qui déboucheront peut-être sur des garanties suffisantes de Téhéran d’abandonner ses ambitions de se doter de l’arme nucléaire et sur le retour de ce pays dans le camp des nations fréquentables. Donc, celles avec lesquelles on peut faire des affaires. Et cela fait longtemps que les businessmen américains – et beaucoup d’autres – attendent que la caverne d’Ali Baba de ce pays majeur qu’est l’ancienne Perse s’ouvre à nouveau à leur commerce.

“Si (Obama) espère que nous resterons apathiques et sans rien faire alors qu’il concocte un mauvais accord avec l’Iran, par l’enfer il se trompe”, s’est exclamé John Boehner. Et avec le nouveau chef de la majorité du Sénat, le républicain Mitch Mc Connell, il a annoncé que les deux chambres allaient mettre en place de nouvelles sanctions. “Qu’Obama le veuille ou non.” C’est là la confirmation que le Congrès, issu des élections de novembre, s’aligne sur les thèses belliqueuses de Netanyahou – qui viendra sans doute répéter devant les parlementaires américains qu’il faut lui donner les moyens de détruire les centres de recherche iraniens qui travaillent sur le nucléaire.

La date de cette visite à Washington, prévue le 3 mars, a toutefois donné à Obama le prétexte idéal pour ne pas recevoir ce chef d’un gouvernement étranger, qui, au mépris de toutes les règles diplomatiques, accepte l’invitation du Parlement, sans que ni la Maison-Blanche ni le Département d’État aient été avertis. “Comme le veut notre pratique, a dit le porte-parole du Conseil national de sécurité, Bernadette Mechan, nous ne recevons jamais les chefs d’État à proximité d’une élection pour ne pas interférer dans le processus démocratique d’un pays étranger.” Or, les élections israéliennes auront lieu quinze jours plus tard.

Stratégie électorale

Si la visite de Netanyahou à Washington donne l’occasion aux républicains de contrer Obama sur sa politique iranienne, elle permet aussi au Premier ministre israélien de se targuer de l’appui du Congrès américain. Un avantage non négligeable dans le scrutin. Netanyahou a d’ailleurs pris l’habitude de se servir de ses voyages à l’étranger pour sa campagne électorale. Ainsi, la façon dont il s’est fait acclamer par de très sonores “Bibi, Bibi”, en présence de François Hollande et de Nicolas Sarkozy, au soir de la marche du 11 janvier à Paris, lors de la cérémonie à la synagogue des Victoires, pour les victimes de la porte de Vincennes avait, elle, déjà paru déplacée.

Les proches d’Yitzhak Herzog, l’adversaire travailliste du leader du Likoud, rappellent d’ailleurs qu’en 1996, le voyage à Washington de Shimon Peres, alors Premier ministre israélien, tout juste un mois avant des élections avait valu à l’intéressé cette cinglante remarque : “Il n’y a pas d’exemple d’un Premier ministre qui, à la veille d’un scrutin, utilise de façon cynique les relations entre Israël et les États-Unis pour la promotion de sa candidature.”

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