An Object Lesson for Obama in Asia

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Leçon de choses pour Obama en Asie

Frédéric Koller

Washington a voulu isoler Pékin dans ses projets de banque de développement. Grave erreur.

C’est une solide raclée pour les Etats-Unis. A croire que Barack Obama, qui ne jure que par le Pacifique, n’a pas encore bien compris ce qui se passait là-bas, sous-estimant complètement le pouvoir d’attraction de l’aimant économique chinois.

Reprenons: en début de semaine, Londres en tête, suivi de Paris, Berlin et Rome, annonçait son intention de participer au lancement d’une nouvelle banque asiatique pour le financement d’infrastructures pilotée par Pékin. Washington se braque, accusant son allié britannique de s’«accommoder» un peu trop vite du jeu de séduction chinois. Peu importe, le Luxembourg puis la Suisse prennent à leur tour le train en marche. En tout, Pékin peut déjà compter sur une trentaine de pays prêts à soutenir son projet. Un coup de maître.

Quand l’idée fut lancée en 2013 lors d’un sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), elle fut en effet d’abord poliment accueillie dans le monde occidental. Washington salua, d’autres capitales signifièrent qu’elles étudieraient l’objet, prudemment. L’automne dernier, toutefois, les Etats-Unis firent passer le message auprès de leurs alliés qu’ils ne verraient pas d’un bon œil une participation à ce qu’ils perçoivent en réalité comme un défi à l’ordre hérité de Bretton Woods. Car personne n’est dupe. L’initiative chinoise, aussitôt adoptée par les pays émergents, est bel et bien une attaque contre la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et le FMI, organes dans lesquels les Etats-Unis, les pays européens et le Japon continuent de dicter leur choix.

Mais, pour les Européens, les comptes sont faits: les injonctions de Washington pèsent peu face à la nécessité de développer les liens avec la deuxième économie mondiale. Ils le font d’autant plus volontiers que, dans ce dossier, les Etats-Unis sont dans une posture difficile à défendre. Voilà des années que le Congrès américain bloque toute réforme des quotes-parts de vote au sein de la Banque mondiale et du FMI, quand bien même la Chine a sensiblement augmenté sa contribution à ces institutions. On ne peut plus demander à Pékin de se montrer un partenaire responsable de la communauté internationale en ouvrant davantage son porte-monnaie sans lui octroyer un plus grand droit de regard sur la façon dont cet argent est dépensé.

En tentant d’isoler Pékin, Washington s’est tiré une balle dans le pied. Cette erreur est d’autant plus incompréhensible que Barack Obama a fait la démonstration qu’une autre politique, celle de l’engagement de la Chine, est possible et payante. La meilleure preuve en est l’accord sur le climat scellé l’automne dernier lors d’un sommet de l’APEC à Pékin.

L’épisode de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), c’est son nom, va laisser des traces. La leçon en est simple: les Etats-Unis n’ont d’autre possibilité que d’ouvrir le jeu dans la reconfiguration de l’ordre mondial bousculé par la poussée de la Chine. C’est particulièrement vrai pour les règles économiques, d’autant que Pékin ne conteste pas frontalement la logique libérale de la globalisation. Au contraire, il en a été le principal bénéficiaire. S’il est justifié de s’interroger sur la gouvernance de cette future banque destinée à financer des pays pauvres, le meilleur moyen d’y remédier est encore d’en être. Pékin invite Washington à faire le pas. Les Européens, et la Suisse, l’ont déjà fait. A raison.

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