Hillary or Clinton?

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Hillary ou Clinton ?

En visant la Maison-Blanche pour 2016, Hillary Clinton fait face à un danger réel : elle-même.

Depuis dimanche, c’est officiel : Hillary Rodham Clinton se lance à l’assaut de la Maison-Blanche.

Elle en a fait l’annonce par l’entremise d’un tweet et d’une vidéo dans laquelle elle met l’accent sur les femmes, les minorités, les familles, l’inégalité et l’esprit entrepreneurial américain, sur fond d’accomplissement du rêve américain. Une vidéo où elle n’apparaît qu’à la fin.

Le procédé est indicateur de l’orientation que prend «Hillary 2016». Plutôt que de marquer le début de sa campagne avec une grand-messe — ce qu’a fait Marco Rubio, qui, dès le lendemain, annonçait sa candidature pour le Parti républicain —, elle a choisi de prendre la route. Direction l’Iowa, le New Hampshire (les caucus et primaires pourront changer la campagne, et c’est dans cet État que Barack Obama s’était fait remarquer, en janvier 2008), la Caroline du Sud et le Nevada.

L’annonce de sa candidature a été pensée comme une campagne de proximité, où tout est agencé pour éviter les écueils de 2008 et tabler sur les grandes forces d’Hillary.

En effet, celle-ci avait été perçue comme trop agressive, trop volontaire, trop froide, pas assez «Clinton» et souvent décalée face aux foules. Sept ans plus tard, son équipe de campagne a donc choisi de privilégier les contacts de proximité et les petits groupes.

Son propre ennemi

S’il n’y a pas, comme en 2008, un candidat susceptible de lui ravir l’adoubement de la convention démocrate, il reste que Hillary fait face à un danger réel : elle-même.

Elle est son propre ennemi dans cette campagne, dont les analystes disent : «It’s hers to lose». Et ce qu’on appelle «la primaire invisible» — c’est-à-dire l’année qui précède celle du cycle électoral, et qui permet dès à présent de faire le tri parmi les candidats putatifs — pourrait être bien longue pour celle qui a déjà été couronnée comme «inévitable».

Bien sûr, il y aura, comme toujours, des candidats locaux ou présents dans quelques États. Et au niveau national, si quelques-uns peuvent chatouiller Clinton, la plupart resteront à la case départ.

Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts et ancienne professeure de droit à Harvard, est une «libérale». Connue pour ses critiques acérées à l’égard de Wall Street, elle est «trop» à gauche pour ratisser large, y compris à la convention du parti. Néanmoins, sa présence dans le débat permettra de forcer Hillary Clinton à tenir compte de cette aile «libérale». C’était sans doute la concurrente la plus crédible ; or, elle a annoncé qu’elle ne participerait pas à cette course.

On évoque parfois Martin O’Malley, ancien gouverneur du Maryland, surtout pour son look et son charisme. Mais cela ne suffit pas à compenser son manque d’expérience à une échelle nationale.

À peine plus âgé que Hillary, Jim Webb est un héros du Viêt Nam, en plus d’avoir occupé les fonctions de secrétaire à la Marine sous Reagan et de sénateur de la Virginie. Certaines de ses prises de position un peu rétrogrades torpillent cependant son éventuelle candidature.

Joe Biden est un vieux routier des élections présidentielles, mais à 72 ans, il est désormais plus vieux que le plus âgé des présidents jamais élus, soit Ronald Reagan. Il faut se souvenir que dans les sondages de 2008, les Américains semblaient plus prêts à élire un président noir qu’un autre qui soit septuagénaire. Ajoutons à cela que la crédibilité de Biden laisse parfois à désirer.

Enfin, Bernie Sanders, sénateur du Vermont, se présente comme indépendant et socialiste. Or, même si sa candidature s’avère intéressante, il ne peut espérer concurrencer sérieusement Hillary Clinton à l’âge de 73 ans.

D’ailleurs, des 796 super-délégués — ceux dont la participation à la convention nationale ne dépend pas de leur désignation dans le cycle de primaires, mais leur revient de droit —, nombreux sont ceux qui témoignent déjà ouvertement leur appui à Clinton pour la convention nationale.

La force d’un réseau

C’est que Hillary Clinton possède un avantage indéniable sur tous ses concurrents : un vaste réseau.

On parle ici des volontaires (ces personnes qui ont façonné la victoire de Barack Obama, en 2008) et des appuis politiques (cultivés par le couple Clinton durant plusieurs décennies), mais surtout des donateurs, qui sont d’une importance cruciale dans cette campagne. En soutien à celle-ci, on envisage que 2,5 milliards de dollars atterriront du côté de la candidate démocrate en 2016.

Ce faisant, la compilation qu’effectue l’agrégateur de sondages Real Clear Politics montre l’ampleur de l’avance de Hillary Clinton sur ses adversaires potentiels depuis les trois dernières semaines :

Qui plus est, son avance à l’élection générale (en présumant que Jeb Bush lui fera face en novembre 2016) est tout aussi tranchée :

Néanmoins, avec une surexposition médiatique aussi longue (et inédite), Hillary Clinton aura à se battre contre elle-même et ses défauts, que les Républicains seront prêts à exploiter. D’où la grande prudence de l’annonce de dimanche dernier.

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