Cubans Demand Respect

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L’exigence de respect des Cubains

Stéphane Bussard

Le processus de normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis entamé le 17 décembre dernier a libéré des énergies insoupçonnées. Les Cubains ont déjà dénommé ce jour de décembre D17, convaincus qu’il pourrait marquer l’Histoire. Les politiques américains et européens se bousculent pour se rendre à Cuba. François Hollande a voulu être le premier chef d’Etat occidental à s’engouffrer dans la brèche du changement en rendant visite à Raul et Fidel Castro. Au lieu d’ostraciser, pense-t-on, mieux vaut exposer Cuba au reste du monde.

Parmi les Cubains, les attentes sont contrastées. Les plus enthousiastes sont persuadés que l’ouverture avec les Etats-Unis, l’Europe et le monde les affranchira d’un régime qui continue de restreindre leur liberté. Ils s’imaginent déjà de nouvelles carrières. La rhétorique de la révolution et des médias qui la perpétuent n’a plus prise sur les jeunes générations. Mais il y a aussi ceux qui ne savent pas trop qu’en penser. Englués dans de graves difficultés économiques, ils espèrent des jours meilleurs, mais ne sont pas prêts à se confronter à un capitalisme débridé qui les meurtrirait davantage encore.

Pour l’heure, à Cuba, le changement est surtout intellectuel et diplomatique, même si le secteur touristique anticipe déjà un bouleversement majeur. La transformation d’une société de 11 millions d’habitants requerra bien davantage qu’un rétablissement des relations diplomatiques entre Washington et La Havane et une levée, pour l’heure improbable au vu des mauvaises dispositions du Congrès, d’un embargo anachronique contre Cuba. Car nombre de questions demeurent. Le régime cubain va-t-il maintenir un pouvoir politique autoritaire à la chinoise tout en libéralisant fortement l’économie? Va-t-il pouvoir assurer la succession des frères Castro sans s’autodétruire? Peut-il maintenir encore longtemps éloignés de la révolution numérique des milliers de jeunes Cubains?

A La Havane, où une fierté cubaine mélangée à une envie de reconstruire affleure, nombreux sont ceux qui tiennent à préserver ce qu’ils considèrent comme des acquis de la révolution: la santé et l’éducation, même si les deux secteurs souffrent. Un mot revient sans cesse à leur bouche: respect. C’est ce qu’ils demandent des Etats-Unis en cas d’ouverture. Une requête qui rappelle celle des Allemands de l’Est en 1989. Pour Cuba, poser des limites à la pression politique et surtout commerciale américaine sera une vraie gageure.

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