Alarmist Overkill

<--

Dans les médias conservateurs américains, l’heure est à la surenchère verbale relativement à l’accord historique annoncé cette semaine sur le programme nucléaire iranien.

La palme de l’hyperbole revient à l’animateur de radio Mark Levin, qui accuse l’administration de Barack Obama d’avoir « semé les germes de la Troisième Guerre mondiale ».

D’autres critiques évoquent les accords de Munich qui avaient été conclus en 1938 avec l’Allemagne dans le vain espoir de freiner les visées expansionnistes d’Adolf Hitler.

Ces représentations caricaturales et alarmistes de ce que l’International Crisis Group décrit comme un « triomphe de la diplomatie nucléaire » sont relayées, de prévisible façon, par les ténors du camp républicain.

Eux aussi rivalisent de superlatifs pour décrier un accord qu’ils jurent de torpiller au Congrès dans les prochaines semaines.

Le scénario paraît pour le moins improbable. Le président américain a déjà affirmé qu’il opposerait son veto à toute décision allant en ce sens, et le nombre de voix requises pour le contrer paraît pratiquement inatteignable.

À moins d’un revirement inattendu, l’accord avec l’Iran est là pour rester, et les experts en prolifération nucléaire s’en réjouissent.

Même dans certains instituts de recherche proches des faucons républicains.

Anthony Cordesman, du Center for Strategic and International Studies, un ex-conseiller du sénateur John McCain, affirme que l’accord est le meilleur qu’on pouvait espérer « dans le vrai monde ».

Le régime iranien réduira considérablement son stock de matériel fissile et le nombre de centrifugeuses en activité. Il accepte par ailleurs de se soumettre à un régime d’inspection poussé qui devrait garantir le caractère pacifique de son programme nucléaire pour au moins une dizaine d’années, voire quinze.

Le temps requis pour produire une bombe atomique – dans l’hypothèse où le régime chercherait à le faire – passera rapidement de quelques mois à un an.

En contrepartie, Téhéran obtiendra la levée progressive des sanctions qui étouffent le pays depuis plusieurs années.

Nombre d’États du Moyen-Orient craignent que l’Iran profite du dégel de ses actifs à l’étranger et de la vente accrue de pétrole pour renforcer ses interventions dans les crises qui touchent la Syrie, le Yémen ou encore l’Irak. Israël craint tout particulièrement pour sa sécurité.

L’administration américaine se montre attentive à ces craintes et cherche à rassurer Tel-Aviv en renforçant sa coopération en matière de défense.

Thomas Juneau, de l’Université d’Ottawa, estime que Téhéran est loin d’être la puissance régionale dominante évoquée par ses détracteurs. Le pays dispose surtout d’un « pouvoir de nuisance » qu’il utilise d’une manière largement réactive. Son équipement militaire est désuet, son économie, à genoux et son isolement diplomatique, quasi complet.

L’objectif premier de l’accord nucléaire pour le régime iranien, dit-il, est de pouvoir relancer l’économie du pays et d’alléger les souffrances de la population, qui posent, à terme, une menace pour sa stabilité.

Les soulèvements survenus après les élections de 2009, qui ont été réprimés dans le sang, témoignent de l’ampleur de l’insatisfaction populaire et de l’urgence d’un changement de cap.

Il faut espérer que les changements en cours vont renforcer le camp réformiste devant les tenants de la ligne dure en Iran et favoriser une ouverture durable du pays.

Rien ne le garantit, mais l’accord nucléaire n’en est pas moins prometteur. Le « vrai monde » mérite mieux qu’une approche réductionniste de « va-t-en-guerre ».

About this publication