Michael Bloomberg the Party Pooper?

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Présidentielle américaine : Michael Bloomberg, le trouble-fête ?

Après Trump, un autre milliardaire pourrait se lancer dans la course en dehors des partis. Bloomberg a pour lui son bilan. Mais c’est loin d’être suffisant.

Ce qu’il y a de formidable avec l’Amérique, c’est qu’elle surprend toujours au moment où on s’y attend le moins. À une semaine du début de la campagne des primaires pour l’élection présidentielle de novembre 2016, on s’était presque résigné à un affrontement complètement atypique entre un milliardaire populiste, grossier et outrancier et une candidate de l’establishment que beaucoup détestent tout en la considérant comme la plus compétente pour occuper le poste. Jusqu’à ce que des fuites dans le New York Times révèlent ce week-end qu’un trouble-fête pourrait bien entrer en lice.

Indépendant et riche

Cela fait plusieurs fois, et notamment en 2012, que le milliardaire Michael Bloomberg envisage de tenter sa chance dans la course à la Maison-Blanche. Mais, après un rapide tour de piste et une consultation des sondages, l’ancien maire de New York s’était à chaque occasion arrêté avant même les primaires, jugeant que la course ne valait pas la peine d’y investir son temps, sa fortune et, plus que tout, sa réputation.

En effet, Bloomberg a laissé un excellent souvenir à la plupart des électeurs de Manhattan, même si l’impression est plus mitigée pour les habitants de Soho, de Brooklyn ou de Harlem. Autrement dit, le milliardaire est un homme à poigne et un excellent gestionnaire, mais sans faiblesse pour les minorités, les marginaux et surtout les délinquants petits ou grands. De plus, cet homme de 73 ans est extrêmement riche (35 milliards de dollars), ce qui, aux États-Unis, contrairement à certains autres pays, est loin d’être une tare.

Le Parti républicain entre un provocateur et un ultraconservateur

Bloomberg semble avoir jugé que, cette année, la conjonction des astres était favorable à un candidat comme lui, venant de la société civile, sans attache avec aucun des deux partis, après avoir d’ailleurs été membre de l’un et tenté par l’autre. Un homme du juste milieu qui profiterait des excès des formations traditionnelles.

D’un côté, le Parti républicain : contrairement à toutes les prévisions, il pourrait choisir un autre milliardaire, Donald Trump, qui, avant les primaires, s’est révélé être un candidat dont le seul argument, à défaut de programme, est de savoir manier la provocation et l’insulte. La seule alternative à ce choix ultra-populiste est, en l’état actuel des forces, pour le Grand Old Party un candidat issu du Tea party, Ted Cruz, dont la base électorale est essentiellement évangéliste, anti-avortement, anti-mariage pour tous et hostile en réalité à tout progrès sociétal.

Les casseroles d’Hillary Clinton

Quant au Parti démocrate, sa candidate, Hillary Clinton, que l’on croyait sur une voie royale pour accéder au minimum à la nomination à la convention de sa formation et dans la foulée à la Maison-Blanche, elle est doublement engluée : par un passé où dans ses différentes fonctions, comme première dame, comme sénatrice et surtout comme secrétaire d’État, elle s’est affranchie de règles sur lesquelles, aux États-Unis, on ne transige pas. Par exemple celle de ne jamais chercher à finasser ou à dissimuler des vérités, même embarrassantes.

Elle est par ailleurs affaiblie par la pugnacité d’un autre candidat atypique, Bernie Sanders, sénateur du Vermont, un presque-gauchiste, selon les critères américains, mais dont le charisme, l’habileté, l’agressivité à l’égard de la candidate de l’establishment ont fait merveille dans les débats. Au point qu’il est favori des premières primaires et que les experts politiques n’excluent pas qu’il puisse aller bien plus loin. Et, même s’il ne gagne pas la nomination, il aura suffisamment affaibli Hillary pour amoindrir ses chances de l’emporter à l’élection générale.

La méfiance de l’Amérique profonde

C’est de cette double fenêtre d’opportunité dont veut profiter Michael Bloomberg. Il a pour lui sa fortune qui lui permettra, a-t-il laissé entendre, de consacrer un milliard de dollars à sa campagne sans rien demander à personne. Il a surtout ses trois mandats successifs à la mairie de New York, commencés quatre mois après le 11 Septembre. Douze ans pendant lesquels la criminalité a chuté, l’économie de la ville est repartie du bon pied, les transports sont devenus efficaces. Quant au budget de la ville, il est passé de 3 milliards de déficit à 2,4 milliards de surplus.

Mais l’ancien maire aura contre lui d’abord les attaques que Donald Trump ne va pas manquer, entre gens du même monde, de lui mitonner. On imagine d’avance les coups bas sur l’acquisition de sa fortune et la manière dont il a monté son empire dans la communication économique et financière. Michal Bloomberg aura aussi contre lui d’être reconnu pour son talent à New York, mais d’être bien peu connu dans l’Ohio ou le Kentucky. L’Amérique profonde, comme dans tous les pays, a le provincialisme jaloux.

S’il se lançait en dehors des partis – il prendra sans doute sa décision après le « Super Tuesday » des primaires de mars –, il aurait, enfin, à surmonter la malédiction qui fait que, de Teddy Roosevelt à Ross Perot, aucun candidat n’a jamais été élu président des États-Unis sans l’onction d’un des deux grands partis qui depuis toujours animent la vie politique américaine.

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