George, Leonardo and Me

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George, Leonardo et moi

Entre oscars et primaires américaines, aveu d’une préférence pour Clooney, facétieux démocrate et soutien de Hillary, au détriment du DiCaprio écolo.

S’il faut vraiment choisir de se réincarner, je me préfère en George Clooney qu’en Leonardo DiCaprio. Et si j’ai un oscar à décerner, je le remets à l’acteur d’Ave, César !pour l’ensemble de son œuvre démocrate. Lequel Clooney n’a reçu, jusqu’alors, qu’une statuette de meilleur second rôle, qui convient à merveille à la décontraction désinvestie de ce grand serin à l’élégance d’un classicisme beaucoup trop roboratif pour démoder un hipster barbu.

Ma préférence n’a rien d’une évaluation artistique. Elle ne tient pas plus à l’art achevé que le beau Jojo met dans le port de la jupette romaine dans le dernier film des frères Coen. C’est plutôt que j’ai un faible pour l’approche idéologique «libérale» au sens américain du terme du quinqua quand la verdeur COP 21 du quadra aux pataugas délacés me chauffe moins. Vous allez dire que c’est un effet générationnel, et qu’il est normal que je me sente plus en phase avec le jeune frère des baby-boomers, qui considère Twitter comme une inutilité hystérisante, qu’avec le fils de babas, icône d’une génération X déconnectée d’une représentativité élective fatiguée, souffrant en symbiose avec la pauvre Gaïa, notre mère Nature à tous. En fait, cela tient surtout à l’autodérision stylée du comédien en veston et en Weston, qui n’arrive pas à se prendre au sérieux quand le transformisme du poupon grognon à bajoues d’adonis m’intéresse moins.

Il y a surtout que Clooney continue à nous dire quelque chose d’une passion hollywoodienne. Depuis les ennuis que lui a faits le maccarthysme, l’usine à rêves a toujours eu la fibre démocrate. On peut grommeler que démocrate et républicain, c’est bonnet blanc et blanc bonnet, il est évident que sur les mœurs et l’antiracisme, le sociétal et les relations internationales, il existe des différences marquées entre les ânes et les éléphants, surtout, si les bonnets coiffés sont californiens.

Ce cher George était un soutien affirmé d’Obama. Il était le caporal épingleur d’une armée de majorettes à affoler le box-office. Rappelons juste la présence de Brad et d’Angelina ou d’Eva Longoria. DiCaprio était aussi un donateur mineur d’Obama. Les deux ont surtout fait la paire quand il s’est agi de parler climat ou pêche illégale. Un peu comme Hollande s’est servi de l’aura à l’aloe vera de Hulot.

Clooney organise aujourd’hui la claque pour Hillary Clinton mais se garde bien d’agresser Bernie Sanders qu’il rejoindra sans difficulté si par extraordinaire le radical fait passer à l’as la première femme à avoir une chance de devenir la gendarme en chef du monde dit libre.

Dans le camp Hillary, George fait animateur d’un Club Med richement doté, où l’on croise les actrices Meryl Streep et Scarlett Johansson, les chanteuses Beyoncé et Jennifer Lopez, les rappeurs Snoop Dogg et Pharrell Williams, le basketteur Magic Johnson sans oublier le «philanthrope» Warren Buffet ou son copain de chambrée cacochyme Hugh Hefner, le fondateur de Playboy.

Dans le camp d’à côté, celui de Sanders, les rangs sont plus clairsemés. On ne distingue, pour l’instant, que les boucles «leftistes» des acteurs Mark Ruffalo et Susan Sarandon. Mais on peut être assuré que la jonction s’opérera en cas de basculement des espoirs et que Clooney sera un rallié guilleret.

En France, depuis Montand et sa conversion du léninisme méridional au libéralisme économique dans les années 80, le show-biz est moins tonitruant même si ça brasse plutôt rose pâle en général. Mais le déboussolement gagne jusqu’aux grognards blanchis sous le harnais. J’aimerais d’ailleurs bien savoir comment Pierre Arditi ou Guy Bedos regardent les rétropédalages surréalistes de Hollande sur le code du travail.

Disons que, loin des bataillons progressistes que recrutait Jack Lang, la France artiste de 2016 aurait plutôt l’inconséquence d’un Depardieu roulant des pelles à Poutine tout en confessant sa nostalgie de Castro ou d’un Johnny détumescent chantant indifféremment pour Sarko ou pour Charlie.

Quant à la relève, entre méfiance et indifférence, elle se fait attendre. Jamel et Omar Sy se font bêtement renvoyer à leur ethnicité banlieusarde, ce qui fait passer leurs propos à la trappe.

Il faut ajouter que, jeune marié, Clooney a élargi le champ de ses compétences. Le baby du Kentucky était très «domestic», le voilà international par alliance. Amal, 38 ans, avocate exerçant à Londres, décuple son potentiel. Clooney s’occupait du Darfour et de Haïti. Elle défend Assange et WikiLeaks, ou l’opposante ukrainienne Timochenko. Ensemble, ils félicitent Merkel pour l’accueil allemand des réfugiés et l’on dirait un couple officiel égalitaire en représentation diplomatique. Surtout, cette druze libanaise ouvre sur le Moyen-Orient un Irlandais d’origine.

Je ne détesterai pas que George ose une dernière facétie et aille au bout de sa passion politique. Une fois à la Maison Blanche, il pourra toujours bombarder Leo au secrétariat à l’environnement.

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