Obama Too Diplomatic in Syria?

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L’arrêt des combats devrait être effectif ce samedi, si la Russie le veut bien. Car faute d’interventions sur le terrain, les Etats-Unis pèsent de moins en moins.

On devrait savoir dans les prochaines heures si l’accord de cessation des hostilités en Syrie, négocié par Washington et Moscou, a la moindre chance d’être appliqué. Et sinon ? Les Etats-Unis promettent des conséquences. «Quiconque pense qu’il peut violer cet accord en toute impunité commet une grave erreur», a martelé mardi le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, devant une commission du Sénat. A défaut de le faire trembler, la mise en garde a dû faire sourire Vladimir Poutine. Car elle illustre la faillite de la diplomatie américaine : beaucoup de mots, peu d’actions. Et des paroles qui ne font plus peur à grand-monde, surtout pas au chef du Kremlin.

Métaphore

«Quand vous armez un pistolet, il faut être prêt à tirer» : dans une interview récente au site d’informations Business Insider, l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates résumait ainsi la faiblesse américaine. La métaphore martiale de celui qui dirigea le Pentagone sous George W. Bush puis Barack Obama faisait référence à la fameuse «ligne rouge» sur les armes chimiques en Syrie, transgressée sans conséquence par le régime Assad en août 2013. «Le reste du monde doit savoir que lorsque le président des Etats-Unis trace une ligne rouge, il est dangereux, voire fatal, de la franchir», résume Robert Gates, pour qui la «reculade» de dernière minute d’Obama a «entamé la crédibilité américaine» bien au-delà du Moyen-Orient.

De Washington à l’ONU en passant par les capitales étrangères, beaucoup décrivent en effet cet épisode comme une «erreur stratégique» aux conséquences dévastatrices. «Quand on écrira l’histoire, on s’apercevra que c’est un tournant, pas seulement dans la crise du Moyen-Orient, mais aussi pour l’Ukraine, la Crimée et pour le monde», taclait il y a dix jours Laurent Fabius, peu après son départ du Quai d’Orsay. Un diplomate occidental en poste aux Nations unies ajoute : «La puissance américaine repose sur la menace d’usage de la force. Si cette menace n’existe plus, la diplomatie devient une machine à concessions. Et Poutine l’a admirablement compris.»

De l’annexion de la Crimée – six mois après le massacre au gaz sarin de la Ghouta, en banlieue de Damas – à l’intervention aérienne en Syrie en septembre, la Russie n’a cessé d’affirmer sa puissance. «Poutine est le premier dirigeant depuis Staline à étendre le territoire russe», déplorait récemment le directeur du renseignement américain devant le Congrès. «Nous nous sommes fait déborder par Poutine en Syrie. Nous sommes humiliés. Nous avons perdu notre position stratégique et abdiqué notre leadership», déclare quant à lui l’ancien ambassadeur Nicholas Burns au Washington Post.

Vilipendé par les républicains, malmené par ses alliés et dans son propre camp, Obama balaie les critiques. «Ce n’est pas un concours entre moi et Poutine», a-t-il rétorqué à un journaliste qui lui demandait s’il se sentait «berné» par la récente intensification des bombardements russes en Syrie, en particulier à Alep. «Poutine peut penser que l’armée russe est en mesure d’occuper de manière permanente la Syrie. Cela va coûter très cher», a ajouté Obama.

Mauvaise main

Depuis des mois, la Maison Blanche mise sur le fait que la Russie finira par s’enliser dans le bourbier syrien. Mais pour l’heure, l’analyse se révèle erronée. Et dans le semblant de processus diplomatique en cours, porté côté américain par l’éternel optimiste John Kerry, les Etats-Unis ont clairement la plus mauvaise main. Poutine, lui, pratique «la diplomatie au service de l’agression militaire, selon le sénateur républicain John McCain. Le bon sens ne mettra pas fin au conflit en Syrie. Il faut un moyen de pression».

Elu en 2008 sur la promesse d’un retrait américain d’Irak et d’Afghanistan, Barack Obama a choisi de tenir les Etats-Unis à l’écart du conflit syrien, à l’exception des bombardements contre l’Etat islamique. Mais pour beaucoup d’observateurs, la véritable explication à sa frilosité est à chercher du côté de l’accord nucléaire avec l’Iran, qu’Obama considère comme son principal succès diplomatique.

«Malgré son discours politique sur le départ d’Assad et le soutien à l’opposition modérée, Washington a laissé la Syrie tomber dans le chaos car prendre des actions significatives aurait mis en danger les précieuses négociations avec l’Iran», s’emporte dans une tribune John Bolton, ancien ambassadeur au Nations unies, aujourd’hui au think tank conservateur American Enterprise Institute.

Réaliste et prudent pour certains, cynique pour d’autres, Barack Obama a jugé que le coût de l’inaction en Syrie serait moins élevé pour les Etats-Unis que celui de l’action. Sans doute n’avait-il pas prévu un tel affaiblissement de la puissance américaine. Ni la vague migratoire qui déstabilise ses alliés européens.

De là à changer aujourd’hui de cap, comme l’a laissé entendre cette semaine le secrétaire d’Etat John Kerry, évoquant un mystérieux «plan B» en cas d’échec du cessez-le-feu ? Probablement pas, estime le diplomate onusien : «Aucun de ses conseillers n’a réussi à convaincre Obama d’intervenir en Syrie. Il a son propre logiciel de pensée et il n’en changera pas.» A moins, peut-être, d’une attaque très meurtrière du groupe Etat islamique sur le sol américain. Une menace prise très au sérieux par les services de renseignement américains.

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