Donald Trump, the Beginning of a New Ire

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Donald Trump, le début d’une nouvelle ire

Alors que les primaires se poursuivent ce mardi, les multiples incidents lors des meetings du candidat républicain pourraient galvaniser ses partisans.

La vidéo, tournée il y a quelques jours dans le Missouri, est glaçante. On y voit Faizan Syed, membre d’une association musulmane, engager la conversation avec des partisans de Donald Trump en train de faire la queue pour assister à un de ses meetings. La plupart détournent le regard, certains discutent et sourient. Soudain, un homme, casquette «Make America Great Again» – le slogan de Donald Trump – sur la tête, apparaît à l’écran. Il répète, en hurlant : «Allah is a pig» («Allah est un porc»). Puis vocifère, quand Faizan Syed tente de l’aborder : «Dégage de ma vue. Va te faire foutre. Tu es un infidèle. L’islam et la charia peuvent retourner de là où tu viens.» «Je suis américain et je t’aime même si tu me détestes», répond calmement le jeune homme, la voix couverte par les beuglements du militant que personne ne cherche à contredire.

Alors que votent ce mardi cinq Etats (lire page 16), la campagne américaine semble à un tournant. Si Donald Trump remporte la Floride et l’Ohio, il aura quasiment mis la main sur l’investiture républicaine, à un moment où sa candidature divise plus que jamais. Insultes contre les Noirs, les Latinos ou les musulmans, violences contre des manifestants, journalistes molestés : la plupart des apparitions du milliardaire sont désormais entachées de débordements. Vendredi, pour la première fois, le favori républicain a annulé un meeting à Chicago pour raisons de sécurité. Des centaines de manifestants (démocrates et membres du mouvement antiraciste «Black Lives Matter») étaient parvenus à pénétrer dans la salle. A l’annonce de l’annulation, de violentes échauffourées ont éclaté entre partisans et opposants de Donald Trump.

Gestes obscènes

De l’avis des journalistes qui suivent au quotidien la campagne de l’homme d’affaires, chaque camp porte une part de responsabilité. A chaque meeting, les manifestants interrompent les discours de Trump. Certains insultent, font des gestes obscènes ou se jettent par terre, compliquant la tâche des policiers chargés de les expulser. Agacés et nerveux, les supporteurs de Trump réagissent souvent avec violence, poussent les protestataires, leur crachent dessus.

Jeudi, un homme de 78 ans a frappé au visage un manifestant noir en Caroline du Nord. Inculpé par la justice, l’auteur du coup du poing confiait à un journaliste ne rien regretter : «La prochaine fois qu’on le verra, on devra peut-être le tuer. C’est peut-être un terroriste.»

L’intensification des violences suscite la crainte d’un dérapage sérieux. «Un jour, l’un de ses partisans va sortir une arme et tuer un manifestant», nous confiait la semaine dernière Tomas Kennedy, un étudiant de Miami qui a participé à plusieurs manifs. En dépit des risques, ce fils d’immigrés argentins estime nécessaire de «protester pour faire barrage à Donald Trump». Breinna Whitehurst, militante de Ferguson, ville symbole du racisme policier, acquiesce : «Il est extrêmement important de continuer à manifester, de faire annuler ses meetings parce que c’est une de nos armes pour combattre sa rhétorique haineuse et la suprématie blanche qui existe dans notre pays. Le simple fait que Donald Trump soit candidat est honteux et j’espère que les manifestations montreront aux autres pays que beaucoup d’Américains font de leur mieux pour le stopper.»

La stratégie pourrait avoir l’effet inverse. Surmédiatisés, les débordements à répétition risquent de galvaniser les militants de Trump et de rallier des indécis. Après le meeting annulé à Chicago, le milliardaire s’est posé en victime, accusant des «voyous» à la solde du «communiste» Bernie Sanders, le candidat à l’investiture démocrate, d’entraver sa liberté d’expression. «Prends garde Bernie, ou mes supporteurs vont aller à tes meetings», a-t-il menacé sur Twitter. Les prochaines semaines diront à qui profite l’agitation.

«Climat toxique»

Mais en attendant, à force de stigmatiser les immigrés et les musulmans, Donald Trump est parvenu à fédérer les colères. Celle de ses partisans, très souvent blancs et désireux que l’Amérique le reste. Et celle de ses détracteurs, qui l’accusent de jouer sur les peurs et d’attiser le racisme. «Je ne vois pas sur quoi cette colère peut déboucher, hormis de la violence», prédisait récemment l’historienne Heather Cox Richardson. Contraints de réagir à cette flambée de tensions, les trois adversaires républicains du milliardaire l’ont vivement critiqué, John Kasich lui reprochant d’avoir «créé un climat toxique» et Ted Cruz d’avoir «encouragé la violence». Hillary Clinton l’a qualifié de «pyromane politique». Quant à Barack Obama, sans nommer le magnat de l’immobilier, il a appelé samedi les candidats à rejeter «les insultes et les violences contre d’autres Américains».

Donald Trump, lui, assure qu’il n’a «certainement pas incité à la violence». A plusieurs reprises pourtant, ces dernières semaines, il a encouragé l’agressivité envers les protestataires, confiant son envie de «flanquer un coup de poing dans la figure» à l’un d’entre eux. Et promettant à ses partisans de payer leurs frais d’avocat s’ils violentaient des manifestants. «Donald Trump a semé la division et il en récolte les fruits», s’est désolé John Kasich, le gouverneur de l’Ohio. Des fruits au goût de plus en plus amer : selon le Southern Poverty Law Center, qui traque les mouvements haineux aux Etats-Unis, leur nombre a progressé de 14 % en 2015, principalement en raison de la multiplication des sections du Ku Klux Klan. Une hausse encouragée par la rhétorique incendiaire de Donald Trump, estiment les auteurs du rapport, pour qui le milliardaire «a électrisé la droite radicale».

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