Why Donald Trump Isn’t Ronald Reagan

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Pourquoi Donald Trump n’est pas Ronald Reagan

Jacques Hubert-Rodier / Editorialiste diplomatique Les Echos Le 28/06 à 07:00

Chaque campagne électorale aux Etats-Unis a ses fantômes. Donald Trump aime à se comparer à Ronald Reagan. Mais le milliardaire américain, en chute dans les sondages, est loin de ressembler à l’ex-acteur de série B.

A chaque élection présidentielle américaine planent les ombres des prédécesseurs qui ont marqué l’histoire des Etats-Unis. Les candidats eux-mêmes aiment se référer à l’une de ces grandes figures. Lors de l’élection de 2008 remportée par Barack Obama, la crise financière avait ainsi ressuscité le père du New Deal, Franklin Roosevelt, , rappelait récemment un spécialiste de l’histoire américaine, Yannick Mireur. Si le modèle de Bill Clinton était sans conteste John Fitzgerald Kennedy, ceux de Hillary sont à chercher du côté du même JFK, mais aussi de Lyndon Johnson et d’Eleanor Roosevelt, First Lady, comme l’écrit François Clemenceau dans son ouvrage « Hillary Clinton de A à Z » (Editions du Rocher). Pour Donald Trump, la comparaison est toute trouvée : c’est pour certains le nouveau Ronald Reagan. A l’image du 40 président des Etats-Unis, qui fut un acteur de série B de Hollywood avant de se lancer en politique, le vraisemblable candidat républicain de 2016 est passé par la case du divertissement (« entertainment ») en dirigeant de 2004 à 2015 un show de télé-réalité, « The Apprentice ». Et Donald Trump adore les idées simples, voire simplistes. Ainsi il a repris quelques slogans de son modèle, comme ou encore cette formule que Reagan avait employée en décembre 1987 lors de la signature du traité sur les missiles intermédiaires avec son homologue soviétique Mikhaïl Gorbatchev : Le contexte international actuel se prête il est vrai au parallèle : il met en avant deux anciennes puissances qui étaient considérées comme une menace pour l’Amérique au début des années 1980 : l’ex-URSS et la République islamique d’Iran. Comme Reagan, profondément anticommuniste et dont les déclarations antisoviétiques faisaient craindre le pire à nombre de pays alliés, Donald Trump est le candidat que le monde a appris à redouter.

Mais les comparaisons ne vont pas plus loin. A la très grande différence de Donald Trump, un homme d’affaires politiquement opportuniste, Ronald Reagan a toujours donné l’impression de croire en ce qu’il disait. Peut-être parce qu’il était un acteur-né, sachant toujours charmer son public. Ancien démocrate devenu républicain, il s’était aussi affirmé comme un véritable conservateur, capable de réunir derrière lui non seulement le Parti républicain, mais aussi l’aile la plus conservatrice du Parti démocrate. Ses accents anti-establishment – le célèbre « outside the Beltway » pour décrire la véritable Amérique, hors du périphérique des politiciens à Washington – ne l’empêchaient pas d’être toujours considéré comme un « nice guy », un homme honnête, même dans la capitale fédérale. Trump se veut lui aussi le candidat anti-establishment. Mais ce New-Yorkais, fils d’un promoteur immobilier, ne parvient pas à faire oublier qu’il en fait partie.

Il y a une autre grande différence : Reagan n’était pas un milliardaire s’offrant le luxe d’entrer en politique. Contrairement à Donald Trump, il avait eu, comme gouverneur de l’Etat de Californie pendant huit ans, une réelle expérience de la gestion politique (1967-1975). « Il avait surpris les démocrates libéraux et s’était aliéné l’extrême droite du Parti républicain en montrant une propension au compromis », note l’un de ses biographes, Lou Cannon.

On est loin du Trump de 2016. Un peu plus de quatre mois avant l’élection du 8 novembre, qui doit désigner le 45e président des Etats-Unis, il n’a toujours pas convaincu toutes les tendances de son parti de le soutenir. Certes, il a remporté le soutien de la base la plus populiste des républicains, mais les chefs du parti restent réticents. Les saillies verbales de Trump sur le thème : « J’avais raison en voulant interdire l’entrée aux Etats-Unis des musulmans », après le massacre dans un club gay à Orlando en juin de 49 personnes, sont très mal passées. Avant la convention de Cleveland, l’amateurisme politique de Trump, qui est parvenu à battre lors des primaires 16 rivaux, commence à être un lourd fardeau et le fait trébucher dans les sondages. Il a dû se séparer de son responsable de campagne, Corey Lewandowski, afin de « présidentialiser » un peu plus son style, à la demande même des membres de sa famille. Face à une Amérique inquiète, ses grands discours se félicitant du Brexit depuis l’Ecosse, où il inaugurait ce week-end un golf, sont également mal passés.

Dans son ouvrage « L’Amérique paralysée » (Editions du Rocher), Donald Trump l’affirme : « Je sais que je suis un grand bâtisseur. » Pour lui, il ne fait aucun doute qu’il a déjà « montré son talent dans les affaires », en sous-entendant que l’Amérique doit être dirigée par un chef d’entreprise. Autant ce discours pouvait passer avec un Ross Perot, candidat indépendant (1992 et 1996) et fondateur d’EDS, autant il apparaît peu crédible dans la bouche de Donald Trump. Depuis 1991, il a mis quatre fois des sociétés liées à ses activités en faillite, pour, dit-il, bénéficier du Chapitre 11 sur la suspension des poursuites des créanciers. Certes le bilan de Ronald Reagan (président de 1981 à 1989) n’est pas aussi rose qu’on veut le présenter souvent : les dépenses militaires ont dérapé. Sa présidence a été marquée par un scandale, l’Irangate. Mais il a redonné confiance à l’Amérique avec un parti soudé et est rentré dans l’histoire comme le « libérateur » du communisme. On est très loin de Donald Trump.

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