The Progress that Hillary Clinton Represents

<--

Ce progrès qu’incarne Hillary Clinton

Hillary Clinton fait partie de l’establishment honni, soit. Son élection comme candidate du Parti démocrate à l’investiture présidentielle n’en signale pas moins une évolution culturelle extraordinaire dans la vie politique américaine.

Digne de confiance ? À entendre son mari Bill, sa fille Chelsea et le président Obama tracer d’elle le portrait d’une femme empathique et socialement engagée, difficile de croire qu’une importante majorité d’Américains la juge foncièrement malhonnête et s’en méfie viscéralement, écrivait cette semaine le chroniqueur américain Frank Bruni. En effet. La convention de Philadelphie aura fait des efforts herculéens pour projeter l’image d’une femme qui est l’épouse de l’autre, certes, mais pas seulement, tant s’en faut ; d’une femme qui, née dans une famille de la classe moyenne de Chicago et faisant aujourd’hui partie de l’élite washingtonienne, n’est pas pour autant l’arriviste que plusieurs pensent ; puis, avec une insistance conservatrice tout américaine, d’une femme qui est une mère et une grand-mère aimante et dévouée… Le charme aura-t-il opéré ?

Le républicain Donald Trump n’inspire pas aux Américains davantage confiance qu’elle — pour des raisons entièrement différentes, il va sans dire. De Cleveland, où se déroulait la semaine dernière la convention du Parti républicain, à Philadelphie, deux conceptions antinomiques de l’exercice du pouvoir se sont exprimées. Mme Clinton ne jouit pas d’une grande aisance oratoire. Reste que, dans son discours d’acceptation, jeudi soir, elle a, non sans habileté, mis en opposition le « je » absolutiste et égocentrique de M. Trump au « nous » démocrate. Un « nous » destiné, au demeurant, à satisfaire le désir d’une grande partie de l’électorat de voir sa classe politique se déchirer un peu moins.

Que Mme Clinton soit élue présidente le 8 novembre prochain, ce qu’il faut espérer, et l’on verra dans quelle mesure, au-delà des discours, elle continuera de vraiment cultiver ce « nous », cette idée de démocratie vaguement plus citoyenne qu’élitiste, particulièrement dans ses rapports avec l’impressionnante mouvance de gauche qui s’est coalisée autour de Bernie Sanders. Car c’est aussi une vague progressiste qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008, alors que commençait la Grande Récession.

Avec des résultats finalement assez mitigés au regard des promesses de renouveau qu’il avait lyriquement fait miroiter sur les plans intérieur et international. « Je veux que vous sachiez que je vous ai entendus. Votre cause est notre cause », a déclaré jeudi Mme Clinton à l’intention des partisans de M. Sanders, mais sans donner l’impression de le dire avec la plus grande des convictions. Son choix du sénateur Tim Kaine comme colistier donne à penser qu’elle compte avant tout faire passer sa stratégie électorale par le centre — modéré — de l’échiquier politique, alors que les « sanderistes » attendent à juste titre qu’elle mène une campagne plus audacieuse et revendicatrice dans un contexte où la droite américaine est déroutée.

M. Trump n’est pas tant le nouveau général d’une droite qui serait en train de se reconfigurer autour de son ego que l’expression de la dérive du Parti républicain.

Le cinquième seulement des élus au Congrès sont des femmes, et six femmes seulement sont gouverneures d’État. Il ne faudrait pas commettre l’erreur — huit ans après l’élection d’un premier président noir — de banaliser l’importance du bond en avant qui consiste à voir, enfin !, apparaître dans le paysage politique du pays une femme susceptible de devenir présidente. Mme Clinton est en quelque sorte l’illustration électorale des progrès sociaux que font, par avancées et reculs, les États-Unis. Lors de sa première course à l’investiture, en 2008, elle avait largement passé sous silence la nature historique de sa candidature, signalait vendredi le New York Times en éditorial ; le fait est notable qu’elle l’a cette fois-ci totalement assumée.

Ces dynamiques font que des bonzes de l’establishment démocrate veulent croire que le parti est entré depuis l’élection d’Obama dans une ère de dominance électorale. C’est possible, sinon même culturellement plausible. Comme, malgré tout, le système politique américain est toujours constitué de machines électorales largement contrôlées à l’échelle locale par les républicains, ça reste à voir.

About this publication