Trump, the Rejection of Obama’s America

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Trump, le refus de l’Amérique d’Obama

L’élection du 8 novembre illustre un clash violent entre les tenants d’une Amérique diverse, mondialisée, incarnée par le président démocrate et une autre Amérique, inquiète, fragilisée dans son identité voire même raciste dont les passions sont attisées par le candidat républicain

Obama a-t-il créé Trump? A cinq jours de la présidentielle, la question sonne comme une provocation digne de républicains prompts à attribuer les causes du trumpisme au président démocrate, mais qui n’ont pas eu le courage de se mettre en travers de la route du candidat new-yorkais.

Ce qu’expriment les partisans passionnés de Donald Trump est pourtant bien un rejet cinglant de l’Amérique de Barack Obama. Celle d’un président noir qui a procuré à la minorité afro-américaine une fierté qu’on mesure mal si on ne porte pas en soi le passé d’ancêtres qui ont connu l’esclavage et la ségrégation raciale. Celle d’un pays qui fait de sa diversité, dopée par une démographie galopante, l’un des atouts de sa puissance à venir. Barack Obama n’a pas, comme l’espéraient les naïfs, réglé un problème racial aussi vieux que les Etats-Unis. Les nouvelles tensions qui s’y sont fait jour sont là pour le démontrer. Mais il a permis aux minorités de revendiquer haut et fort leurs droits, à l’image du mouvement Black Lives Matter.

Cette Amérique imaginée par un président rationnel, archétype des élites mondialisées, va trop vite. Elle parle de solidarité en instituant Obamacare pour assurer les quelque 10% d’Américains qui sont encore sans couverture médicale dans un pays où le capitalisme n’est pas toujours compassionnel. Elle conclut à Paris un accord ambitieux montrant que la lutte contre le changement climatique est l’une de ses priorités. Or dans le Kentucky, le Wyoming ou la Virginie-Occidentale, des mineurs de charbon débauchés se cherchent un avenir. Elle signe enfin un accord de libre-échange avec onze pays de la région Asie-Pacifique pour pouvoir toujours coécrire les règles du commerce mondial. Mais dans le même temps, des ouvriers de l’industrie automobile en Ohio vitupèrent contre la Chine qui leur a «volé» leur emploi.

Pour Donald Trump, la puissance américaine doit affirmer son hyper-masculinité à travers un renforcement militaire. Barack Obama et sans doute Hillary Clinton projettent une puissance non pas faible, mais plus féminine, plus prompte à négocier avec des ennemis et à s’appuyer sur des alliés. Le clash de ces deux Amérique est d’une rare violence. Les colères agrégées de Blancs fragilisés dans leur identité, d’ouvriers inquiets, de citoyens lassés par Washington, de suprémacistes blancs, d’islamophobes voire d’antisémites ne disparaîtront pas en cas de victoire d’Hillary Clinton. Au Congrès, plusieurs voix républicaines promettent déjà de ne pas confirmer les juges que la démocrate pourrait nommer à la Cour suprême si elle est élue, voire de tout faire pour la destituer. Barack Obama voulait une Amérique ni rouge (républicaine), ni bleue (démocrate), mais pourpre. Elle est aujourd’hui éclatée.

Premier président numérique des Etats-Unis, le démocrate a apporté la Silicon Valley au cœur de l’administration et de la politique américaines. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, à ses yeux, c’est Hillary Clinton, qui compte sur le Big Data pour accéder à la Maison-Blanche. Le pire, c’est que Donald Trump pourrait se faire élire à la présidence en partie grâce à son média favori, Twitter.

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