What Trump Tells Us about Our Democracy

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Ce que Trump nous dit de notre démocratie

Hillary Clinton a vu en lui le candidat des “pitoyables”. Tragique méprise. Et si les élites libérales avait fait passer notre monde dans un système post-démocratique sans véritable participation populaire ?

L’ère des temps obscurs que prédisait Jonathan Freedland dans le “Guardian” commence donc aujourd’hui. On attendait de l’Amérique qu’elle franchisse une nouvelle frontière, qu’elle élise une femme, peu aimée certes, mais ultra-compétente et cultivée dans un ultime sursaut de la raison. Mais c’est un leader obscène à la moumoute orange et au verbe putride qui va devenir le président de la première démocratie du monde.

Sur l’Amérique, sa démocratie malade, ses institutions bloquées, sa classe moyenne déclassée, on a tout écrit. Alors pourquoi cette sidération ? Car Trump est bien l’incarnation de cette maladie, de cette crise de la représentation politique planétaire, de ce divorce consommé entre les élites et le peuple, dont on a vu s’égrener les manifestations électorales et dont le Brexit a été le dernier en date.

Les déclassés du monde périphérique

Et une fois passé le deuil, il faudra bien que les élites, dont la presse, fassent leur examen de conscience. Regarder en face ce que nous n’avons pas voulu voir du haut de notre mépris pour ces électeurs du “panier des pitoyables” que décrivait Hillary Clinton. Ces déclassés du monde périphérique pour reprendre la terminologie de Christophe Guilluy. Ceux qui en France, fournissent le gros des électeurs du Front national depuis que la Gauche les a perdus. Et qu’il faut cesser de confondre avec les gens qui confisquent leur voix par défaut d’offre politique.

Et si l’élection de Trump nous amenait à revoir notre définition du populisme ? Se pourrait-il que celui-ci soit un correctif utile pour une démocratie libérale prise en otage par ses éléments ultra-libéraux non démocratiques ? Les élites libérales, à Bruxelles ou à Washington, ont-elles fait passer notre monde dans un système post-démocratique sans véritable participation populaire ?

Reste que les populistes sont généralement anti-pluralistes. Or comme le rappelait Habermas, le peuple ne se manifeste qu’au pluriel. Trump est peut-être le symptôme d’un déficit de démocratie, mais il n’est pas un démocrate. Et l’homme providentiel que les laissés-pour-compte du rêve américain se sont choisis, ne peut que les décevoir cruellement. Il faut dire que le paradoxe est suprême : un affairiste riche à milliards et qui a profité du système au secours des déshérités !

“Trump, poupée gonflable du capital” a dit Michel Onfray…

Enfin, la grande question est, comment va-t-on vivre sous le président Trump ? Le “trumpisme” est-il soluble dans la démocratie ? L’épreuve du pouvoir va-t-il policer son discours ? Malheureusement, de Victor Orban à Recep Tayyip Erdogan, en passant par Vladimir Poutine, il y a assez d’exemples de populistes au pouvoir aujourd’hui pour nous permettre de faire le constat du fait que leur action est généralement en phase avec leurs revendications programmatiques initiales.

Le monde selon Trump

Il ne faut pas tomber du déni de réalité de la possibilité de son élection à l’espoir vain de voir Trump se transformer. A rêver qu’il se modère avec l’exercice de la responsabilité suprême, qu’il échoue parce que son projet est inepte ou que ses électeurs se détournent de lui parce que, par définition, les protestataires au pouvoir ne peuvent plus protester et rentrent dans le rang…

Donald Trump, parce qu’il dispose d’une majorité au Congrès, va probablement continuer à diviser la société américaine, à confisquer la parole du peuple et à désigner à la vindicte ses ennemis à l’intérieur et à l’extérieur. Le monde selon Trump n’a pas fini de menacer nos valeurs.

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