In Order To Face Donald Trump, Europe Must Strengthen Its Unity

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“Pour faire face à Donald Trump, l’Europe doit conforter son unité”

Alliés de longue date, les Etats-Unis et l’Union européenne entretiennent une relation particulière, avec ses hauts, mais aussi ses bas. L’élection de Trump pourrait être de cette dernière catégorie, comme le souligne Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Bureau de l’ECFR Paris.

Si l’on se fie aux propos de campagne, la relation entre Donald Trumpet l’Europe risque d’être délicate, non seulement en raison des désaccords de fond, mais aussi de l’animosité du futur président, qui a comparé sa victoire à un “Brexit plus, plus, plus” pour l’Union européenne.

Cela étant, l’incertitude entoure encore la future administration Trump et les contours de sa politique. Dans ce contexte, et pour examiner l’avenir de la relation transatlantique, partons de là où Obama la laissera. Car, malgré sa grande popularité en Europe, Obama a confirmé une tendance à l’effacement de l’intérêt stratégique des Etats-Unis pour l’Europe. Ce n’est qu’avec l’accumulation de difficultés -Grèce, Ukraine, Brexit, crise des réfugiés, terrorisme- que le continent est redevenu, à la fin de son second mandat, une priorité.

Obama, là où les Européens l’espéraient

La relation transatlantique a été marquée par une déception mutuelle. Pour Obama, l’Europe se comporte en passager clandestin, profitant du leadership américain et de sa contribution à la sécurité internationale. On peut pourtant se souvenir d’une contribution américaine à l’insécurité internationale, en Irak, dont le Moyen-Orient et l’Europe paient encore le prix. Surtout, c’est l’administration Obama qui a théorisé (à propos de la Libye) son “leadership depuis l’arrière”, habillage maladroit de son retrait du Moyen-Orient. Et comme pour les sanctions contre l’Iran hier, c’est l’Europe qui supporte aujourd’hui l’essentiel du coût des sanctions contre la Russie.

Mais, malgré ce qui précède, les deux rives de l’Atlantique ont nourri pendant ces dernières années une coopération étroite, que ce soit sur le nucléaire iranien, le climat ou la lutte contre Daech. Et sur des sujets comme Cuba, Guantanamo ou la torture, Obama s’est toujours trouvé du côté où les Européens l’espéraient.

Ce que l’Europe aurait pu attendre d’une nouvelle administration était donc assez simple. Certes, les attentes des Européens variaient selon les points de vue. Londres espérait un soutien dans la négociation du Brexit. Comme Dublin, d’ailleurs. La Grèce, elle, pensait à l’économie. Et ainsi de suite. Mais de façon générale, avant l’élection, les attentes des gouvernements européens avaient trait en premier lieu à la sécurité. Le degré d’inquiétude par rapport aux garanties de sécurité américaines avant même l’élection était frappant, non seulement en Europe, mais aussi au Moyen-Orient et en Asie. En outre, un leadership américain appuyé sur une méthode différente, plus inclusive, trouvant l’équilibre entre unilatéralisme et leadership depuis l’arrière, aurait aussi été bienvenu.

L’administration Trump n’apprécie pas l’Union européenne

Désormais, l’heure est à la réévaluation. Ceux qui évoquent une continuité ont plus de raisons de l’espérer (ou de la craindre) que de la prévoir. Au-delà de l’imprévisibilité assumée par le candidat, plus déstabilisatrice pour les relations internationales que pour le négoce immobilier, deux préoccupations peuvent être identifiées. D’une part, une préférence affichée pour trouver un terrain d’entente avec les pays qui ont une politique de puissance plutôt qu’avec les alliés traditionnels. D’autre part, la réticence à souscrire des engagements internationaux, perçus comme des contraintes: des accords comme sur le programme nucléaire iranien ou le climat sont fragiles, et il suffirait que les Etats-Unis n’en respectent pas les termes ou l’esprit pour les menacer.

La politique étrangère de l’administration Trump devrait donc poser problème à l’Europe. Parce que ses dirigeants n’apprécient guère l’Union européenne en tant que telle. Parce que la méthode privilégiée de l’UE sur la scène internationale -la coopération basée sur des règles- est sans doute à l’antithèse de ce que les Etats-Unis vont privilégier. Et parce que la plupart de ses positions de campagne augurent mal du consensus transatlantique.

Patience et constance

Face à ce défi, l’Europe doit renforcer sa position. Elle doit conforter son unité, alors que s’il est une relation bilatérale que les Européens craignent de diluer dans une approche collective, c’est bien celle avec les Etats-Unis. Elle doit aussi se donner des moyens, par exemple en augmentant ses budgets de défense, mais aussi en retrouvant un certain dynamisme économique. Elle doit enfin être prête à agir sur la scène internationale pour défendre ses intérêts.

L’Europe devra aussi se montrer patiente et constante. Le premier Trump ne sera pas le dernier, comme cela est vrai pour la plupart des dirigeants internationaux. Et l’Europe elle-même connaîtra plusieurs élections dans les mois à venir, dont ses interlocuteurs (les Etats-Unis, mais aussi la Russie et d’autres) peuvent espérer profiter. L’Europe doit donc construire sa relation avec son nouvel interlocuteur. Mais elle doit aussi se préparer à préserver certaines politiques internationales si les Etats-Unis devaient les abandonner: comme la solution des deux Etats au Proche-Orient ou les sanctions contre la Russie sur lesquelles s’appuie le processus de Minsk.

Pour les Etats-Unis comme pour l’Europe, il sera enfin important de ne pas avoir qu’un agenda négatif, comme cela s’annonce. Washington ne veut plus de l’accord de libre-échange TTIP et souhaite diminuer sa contribution à la défense européenne. L’Europe veut éviter que les Etats-Unis ne remettent en cause les politiques en cours sur la Russie, l’Iran ou le climat. Dans le climat actuel, le plus difficile pourrait être de trouver des projets communs.

Par Manuel Lafont Rapnouil, directeur du Bureau de l’ECFR Paris (un think-tank européen travaillant sur les relations internationales) et Senior Policy Fellow.

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