Trump and the Russian Roulette of His Foreign Policy

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Trump et la roulette russe de sa politique étrangère

Donald Trump au pouvoir laisse planer sur le monde une menaçante imprévisibilité. Sa vision ne dépasse pas celle d’une « diplomatie transactionnelle » où l’intérêt des Etats-Unis prime sur tous les autres.

« Le président Trump a effectué son premier déplacement à l’étranger [ au Moyen-Orient puis en Europe, NDLR] avec une claire vision : le monde n’est pas une “communauté mondiale” mais une arène où les nations, les acteurs non gouvernementaux et les entreprises se battent et se font concurrence pour leurs intérêts. » Dans une tribune publiée par le « Wall Street Journal », le général H. R. McMaster et Gary Cohn, respectivement conseiller à la sécurité nationale et chef du Conseil économique national de Donald Trump, ont tenté de définir ce qui pourrait apparaître comme la « doctrine » – du moins la ligne idéologique – suivie par le 45e président des Etats-Unis, sur la scène mondiale. « Cette “doctrine” est presque “hobbessienne”, violente, contraire à la diplomatie occidentale depuis Woodrow Wilson (1913-1921) », souligne Laurence Nardon, responsable du programme Amérique du Nord à l’Ifri. Une référence au philosophe anglais du XVIIe siècle Thomas Hobbes, qui, dans son ouvrage majeur « Le Léviathan », décrivait la concurrence effrénée et égoïste entre nations.

Six mois après son arrivée à la Maison-Blanche, le président Trump s’inscrit dans une vision du monde totalement différente de celle de ses prédécesseurs. Il a très largement mis en avant une sorte de « diplomatie transactionnelle » pour répondre à son objectif, « l’Amérique d’abord », et obtenir le maximum d’avantages de ses partenaires avec les « meilleurs accords possible ». Mais Donald Trump a surtout donné l’impression de suivre une politique en zigzag faite de volte-face par rapport à ses engagements électoraux de 2016 et parfois par rapport à ses tweets de la veille. Sur la Chine, il a ainsi fait un bond en arrière. Après avoir menacé d’imposer des droits de douane élevés sur les importations, il a repris le chemin du « dialogue de haut niveau » de ses prédécesseurs. Sur la Syrie, le bombardement d’une base aérienne le 6 avril en représailles à l’attaque de Khan Cheikhoun contre des civils à l’arme chimique attribuée au régime de Bachar Al Assad, puis la destruction par la chasse américaine d’un drone syrien, changent la donne non seulement à l’égard de Damas mais aussi de l’objectif initial d’un rapprochement avec Moscou et de sa volonté initiale de ne pas s’engager au nom de principes humanitaires.

Beaucoup d’angles morts

De même à l’égard de l’Otan, qualifiée initialement d’organisation « obsolète », Donald Trump a changé son fusil d’épaule. Certes, lors du sommet de Bruxelles, le président américain n’est pas allé jusqu’à réaffirmer explicitement l’engagement des Etats-Unis à l’égard de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord (« une attaque contre un pays de l’Otan est une attaque contre tous »). Mais il a néanmoins rappelé « les engagements qui nous lient comme un seul » face au terrorisme. Pour autant, il ne faut pas se tromper. Il reste nombre d’inconnues. « Y a-t-il une pensée cohérente chez Donald Trump ? La question se pose tous les matins », souligne Laurence Nardon. Même si son message est fondamentalement celui d’un « exceptionnalisme égoïste », il est difficile de prédire quelles seront demain ses relations avec Vladimir Poutine alors que l’enquête sur les éventuelles connivences entre les proches de Trump et la Russie ne fait que commencer.

De plus, Donald Trump est vraisemblablement peu impliqué dans la définition de la politique étrangère, plus préoccupé par le parfum de scandale du « Russiagate » et par l’Amérique elle-même. Depuis son arrivée au pouvoir, personne ne parvient à déterminer qui conduit sa politique étrangère. Les « adultes responsables », les secrétaires d’Etat James Mattis et à la Défense Rex Tillerson, l’ambassadrice à l’ONU Nikki Haley ou alors son conseiller Steve Bannon, grand admirateur de Charles Maurras ? Trump a laissé en outre nombre d’angles morts comme sur l’Afrique, l’Amérique latine ou vis-à-vis de l’Asie centrale et de l’Afghanistan.

En six mois, Donald Trump a néanmoins fixé deux grands axes : la lutte contre le terrorisme et l’Iran. Au point de prendre le parti de l’Arabie saoudite et des Etats du Golfe dans leur volonté d’isoler le Qatar, mais de façon confuse et illisible. Non seulement le Qatar abrite une base militaire américaine, mais les Etats-Unis se sont empressés de vendre des armes au petit émirat, pourtant accusé de soutien au terrorisme. L’autre constante est son acharnement à défaire l’héritage de Barack Obama. Il dénonce ainsi l’Accord de Paris sur le climat. Il veut renégocier le traité de 2015 limitant le programme nucléaire de l’Iran. Il fait machine arrière sur la politique d’ouverture vis-à-vis de Cuba.

Mais la plus grande inconnue reste Donald Trump, lui-même, et sa totale imprévisibilité. « Le risque d’un accident et d’une escalade imprévue vers la guerre est désormais au niveau le plus élevé depuis des décennies, et non pas seulement en Europe mais au Moyen Orient et en Asie », affirme Ivo Daadler, ancien ambassadeur américain à l’Otan. Pour Laurence Nardon, les relations tendues avec la Corée du Nord pourraient dégénérer si jamais Donald Trump tentait de faire une diversion par rapport au « Russiagate ».

Certes il n’était pas possible de prédire avant le 11 septembre 2001 que le président George W. Bush lancerait l’Amérique dans deux guerres, en Afghanistan puis en Irak, aux conséquences catastrophiques. Mais Donald Trump donne l’impression de forcer le monde à jouer à une sorte de roulette russe où la seule chose prévisible est désormais son imprévisibilité. Or, affirmait récemment à Paris David Frum, l’ancien conseiller de George W. Bush, « une superpuissance nucléaire doit être très prévisible ».

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