Russian Affair: The Clues Accumulate

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Affaire russe: les indices s’accumulent

Les révélations s’enchaînent dans l’affaire russe et les soupçons de collaboration louche prennent de l’ampleur. Et s’il n’y a pas de démonstration indubitable de collusion, si tant est qu’il y en ait jamais, la Maison-Blanche a donné, avec la mise en accusation de Michael Flynn, des signes de panique parlants.

La décision de Donald Trump, en février, de congédier son conseiller à la sécurité nationale fraîchement nommé, puis celle en mai d’évincer le directeur du FBI, James Comey, n’ont pas cessé et ne cesseront pas de hanter cette présidence.

En reconnaissant sa culpabilité pour fausses déclarations et en acceptant de collaborer avec la justice, M. Flynn expose potentiellement M. Trump, sinon sa garde rapprochée, à toutes sortes de révélations nocives. Il y a après tout des limites à l’attention que ce président veut qu’on lui porte. En renvoyant ce fouineur de M. Comey, le président avait peut-être cru que cela contribuerait à faire capoter l’enquête policière sur l’ingérence russe dans la présidentielle et sur les soupçons de collusion entre la Russie et l’équipe de campagne de M. Trump. Mal lui en prit, le président s’étant rapidement trouvé à faire peser sur lui des soupçons d’entrave à la justice pour avoir apparemment demandé à M. Comey, alors qu’il était directeur du FBI, de laisser M. Flynn tranquille.

La réaction de la Maison-Blanche à la mise en accusation de M. Flynn, le 1er décembre, par le procureur spécial Robert Mueller, a été particulièrement virulente. Tellement virulente qu’elle en était suspecte. Signe d’une présidence qui se sent piégée. Comey est un « menteur » et le FBI est une « institution partiale », a tweeté le président la semaine dernière. Ce qui n’est pas sans ironie, si l’on considère que M. Trump s’est présenté à la présidentielle comme le candidat de la loi et de l’ordre.

À force de dénigrer les « institutions » — dans le cadre de sa guerre contre le Deep State par lequel il se dit persécuté —, il se trouve en fait à renforcer leur crédibilité et à nuire à la sienne, qui perd des plumes de sondage en sondage.

Non moins déjantée aura été la réaction de son avocat John Dowd, qui a déclaré que « le président ne peut pas faire entrave à la justice puisqu’il est le responsable en chef de l’application de la loi ». Ce qui, a fait remarquer le New York Times, aura sûrement étonné le Congrès — qui a adopté des lois criminalisant l’entrave à la justice et qui a convenu deux fois au cours des quarante dernières années, d’abord dans le cas de Richard Nixon puis dans celui de Bill Clinton, qu’un président qui viole ces lois est passible de destitution.

À chaque semaine sa moisson d’indices : accusé d’avoir menti au FBI au sujet de ses conversations avec l’ambassadeur russe Sergueï Kisliak, M. Flynn a indiqué avoir manoeuvré sur instruction d’un « très haut responsable » de l’équipe de transition présidentielle — qui pourrait être Jared Kushner, le beau-fils de Trump, ou Mike Pence, vice-président élu à l’époque, ou M. Trump lui-même… Pendant que d’autres bribes de révélations faisaient surface autour de Donald Trump Jr au sujet de ses échanges à l’été 2016 avec des « intermédiaires russes » censés lui transmettre des renseignements préjudiciables à Hillary Clinton, des échanges qui s’avèrent finalement beaucoup plus nombreux que Junior l’avait dit…

Au demeurant, l’enquête compliquée de M. Mueller ratisse large, fouillant aussi les activités financières et commerciales de Donald Trump et de son entourage. Il s’agit donc aussi d’une investigation qui est en train de tracer le portrait d’un monde où s’entremêlent relations d’affaires et jeux d’influences politiques. Un monde opaque qui est évidemment loin — ne soyons pas manichéens — de n’être que celui de Donald Trump et des républicains. Nos démocraties sont malades, et ce président en est un symptôme — monstrueux — parmi d’autres.

Aussi, que le pire soit mis au jour et rien n’exclut que sa présidence survive à cette enquête tout à fait singulière. Au-delà, rien n’exclut non plus qu’elle survive même s’il s’agit d’un gouvernement qui fait preuve d’un mépris particulièrement dangereux pour l’État de droit. Même si, de la fermeture des frontières aux musulmans au charcutage de parcs nationaux en Utah en passant par la démolition de l’Obamacare et la reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne, M. Trump prend un plaisir malsain à empêcher le monde d’avancer.

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