Martin Luther King Jr.: The Unaccomplished Dream

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ÉTATS-UNIS

Martin Luther King, le rêve inachevé

On commémore ce mercredi le 50e anniversaire de l’assassinat du leader des droits civiques. Désenchantement et introspection sont au programme

«J’avais 8 ans et j’habitais à New York. Je me souviens des gens qui pleuraient dans la rue, plantés devant les magasins de télévisions, qui regardaient et écoutaient, incapables d’y croire.» «Je m’en souviens comme si c’était hier. Je croyais que le monde était devenu fou et que rien ne pouvait aller plus mal.»

Commémoration

Le traumatisme affleure encore dans les milliers de témoignages publiés sur les réseaux sociaux américains ces jours-ci. Les hôtels de Memphis sont combles, les grandes chaînes de télévision enchaînent direct sur direct, de nombreuses célébrités vont participer aux cérémonies, dont le pasteur Jesse Jackson, et le tocsin retentira ce mercredi à 18h01, l’heure à laquelle Martin Luther King a été assassiné. Trente-neuf coups seront sonnés, pour les 39 années de sa vie, achevée d’un tir dans cet hôtel de Memphis où le pasteur Prix Nobel de la paix était venu soutenir la grève d’employés au nettoyage, payés un dollar de l’heure. Quand l’Amérique se souvient, c’est en grand.

Le lien est fait avec Robert Kennedy, le frère de l’ex-président, assassiné à son tour quelques semaines plus tard. Apôtres d’un changement, d’une révolution – après tout, nous sommes en 1968…

Impopularité

Et pourtant. «On l’a oublié mais quand il a été assassiné à Memphis, MLK battait des records d’impopularité, rappelle l’écrivain Tony Norman dans la Pittsburgh Post-Gazette. La bonne société blanche libérale regrettait sa critique du capitalisme, aussi féroce que celle du racisme. Les leaders des droits civiques noirs lui reprochaient son opposition à la guerre du Vietnam, alors que l’armée était une des institutions les plus racialement égalitaires du pays. Les activistes noirs plus jeunes le considéraient comme un «Oncle Tom» et lui préféraient les Black Panthers ou la Nation de l’islam [des organisations radicales].

Les Américains blancs persuadés du bien-fondé de la ségrégation lui reprochaient toujours de vouloir soulever le pays contre la suprématie des Blancs. Enfin, la rhétorique optimiste de son discours à la marche de Washington de 1963 «I have a dream» était largement conspuée en 1968, jugée utopique même par ses alliés. Sa mort a tout changé, provoquant une intense amnésie immédiate.» Il n’y a qu’à voir comment, sur Twitter, le nom du Prix Nobel de la paix est revendiqué par les républicains comme par les démocrates…

Ressusciter le passé se fait sous les yeux du présent, et ce qu’on retient d’hier porte la marque d’aujourd’hui. «Moins de cérémonies et d’éloges, et plus de pénitence et d’introspection, voilà ce qui serait approprié, pour le prêtre catholique invité par le Dallas News, car le meurtre de King ne fait pas encore partie de l’histoire. La lutte, la violence sont en substance restées comme en 1968. Ce qui a tué King continue de tuer. Cinquante ans plus tard, son rêve est encore à venir.» «Sa mort est pour moi un point de bascule dans notre histoire, éteignant tous les rêves d’une Amérique multiraciale, et montrant un racisme blanc virulent», écrit un commentateur du Washington Post.

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A Memphis, Martin Luther King, la semaine du drame.

© Anonyme/Keystone

ÉTATS-UNIS

Martin Luther King, le rêve inachevé

On commémore ce mercredi le 50e anniversaire de l’assassinat du leader des droits civiques. Désenchantement et introspection sont au programme

Catherine Frammery

Publié mardi 3 avril 2018 à 18:38, modifié mercredi 4 avril 2018 à 09:18.

«J’avais 8 ans et j’habitais à New York. Je me souviens des gens qui pleuraient dans la rue, plantés devant les magasins de télévisions, qui regardaient et écoutaient, incapables d’y croire.» «Je m’en souviens comme si c’était hier. Je croyais que le monde était devenu fou et que rien ne pouvait aller plus mal.»

Commémoration

Le traumatisme affleure encore dans les milliers de témoignages publiés sur les réseaux sociaux américains ces jours-ci. Les hôtels de Memphis sont combles, les grandes chaînes de télévision enchaînent direct sur direct, de nombreuses célébrités vont participer aux cérémonies, dont le pasteur Jesse Jackson, et le tocsin retentira ce mercredi à 18h01, l’heure à laquelle Martin Luther King a été assassiné. Trente-neuf coups seront sonnés, pour les 39 années de sa vie, achevée d’un tir dans cet hôtel de Memphis où le pasteur Prix Nobel de la paix était venu soutenir la grève d’employés au nettoyage, payés un dollar de l’heure. Quand l’Amérique se souvient, c’est en grand.

Quelques minutes après le meurtre, au Motel Lorraine. JOSEPH LOUW

Le lien est fait avec Robert Kennedy, le frère de l’ex-président, assassiné à son tour quelques semaines plus tard. Apôtres d’un changement, d’une révolution – après tout, nous sommes en 1968…

Impopularité

Et pourtant. «On l’a oublié mais quand il a été assassiné à Memphis, MLK battait des records d’impopularité, rappelle l’écrivain Tony Norman dans la Pittsburgh Post-Gazette. La bonne société blanche libérale regrettait sa critique du capitalisme, aussi féroce que celle du racisme. Les leaders des droits civiques noirs lui reprochaient son opposition à la guerre du Vietnam, alors que l’armée était une des institutions les plus racialement égalitaires du pays. Les activistes noirs plus jeunes le considéraient comme un «Oncle Tom» et lui préféraient les Black Panthers ou la Nation de l’islam [des organisations radicales].

Les Américains blancs persuadés du bien-fondé de la ségrégation lui reprochaient toujours de vouloir soulever le pays contre la suprématie des Blancs. Enfin, la rhétorique optimiste de son discours à la marche de Washington de 1963 «I have a dream» était largement conspuée en 1968, jugée utopique même par ses alliés. Sa mort a tout changé, provoquant une intense amnésie immédiate.» Il n’y a qu’à voir comment, sur Twitter, le nom du Prix Nobel de la paix est revendiqué par les républicains comme par les démocrates…

Le Motel Lorraine aujourd’hui. Joe Raedle

Ressusciter le passé se fait sous les yeux du présent, et ce qu’on retient d’hier porte la marque d’aujourd’hui. «Moins de cérémonies et d’éloges, et plus de pénitence et d’introspection, voilà ce qui serait approprié, pour le prêtre catholique invité par le Dallas News, car le meurtre de King ne fait pas encore partie de l’histoire. La lutte, la violence sont en substance restées comme en 1968. Ce qui a tué King continue de tuer. Cinquante ans plus tard, son rêve est encore à venir.» «Sa mort est pour moi un point de bascule dans notre histoire, éteignant tous les rêves d’une Amérique multiraciale, et montrant un racisme blanc virulent», écrit un commentateur du Washington Post.

A l’ère de Donald Trump…

L’association Justice via le journalisme est allée interroger les habitants d’un quartier pauvre de Memphis, à quelques blocs de là, où les manifestations officielles vont avoir lieu. «Pour eux, le message de King a été perdu – dans les discours, et dans les faits.» Rien n’a changé, et ils ne pensent pas qu’ils verront un changement de leur vivant. Logements insalubres, pas de travail, pas d’argent, pas de parcs de jeu pour les enfants… «Ces jeunes ne comprennent pas ce pour quoi MLK se battait, car personne ne le leur a appris.» Ici, les habitants ne comptent pas assister aux cérémonies.

«Cinquante ans après la mort de King, la vaste majorité des Noirs américains se trouvent en situation précaire, devant endurer le règne délétère du plus incompétent, paresseux, voleur, menteur, ignorant et dangereux occupant de la Maison-Blanche, écrit aussi Afro.com, un site dédié aux Noirs américains. Trump défend ouvertement un agenda nationaliste blanc. C’est le plus anti-Noirs des présidents américains depuis Woodrow Wilson.» Le «haut de la montagne» du discours du 3 avril 1968 à Memphis reste bien loin.

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