How China Fooled America and Europe in the World Trade Organization

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En 2001, Américains et Européens pensaient naïvement que la Chine allait se diriger vers une économie de marché et respecter les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Près de vingt ans plus tard, ils déchantent.

En acceptant la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, les dirigeants occidentaux se sont largement fourvoyés. Quelque vingt ans plus tard, l’Union européenne et les Etats-Unis prennent conscience d’avoir été dupés. Le réveil est douloureux. Montée des mouvements populistes, contestation de la mondialisation , creusement des inégalités et risque de guerre commerciale en sont la manifestation. Les Occidentaux payent aujourd’hui leur naïveté face aux réalités du monde chinois.

En arrimant la Chine au système commercial bâti dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, par le GATT puis par l’OMC, Bruxelles et Washington pensent à l’époque que Pékin va adapter son économie. La Chine ira progressivement vers l’économie de marché et respectera les règles d’une économie libérale non centralisée. L’Europe et l’Amérique pensent du coup s’ouvrir un marché de plus d’un milliard de consommateurs avides de made in America ou de made in Europe.

Bill Clinton défend l’intégration chinoise à l’OMC

En 1999, Bill Clinton, alors président des Etats-Unis, défend ardemment cette adhésion. « Nous avons obtenu de nouvelles garanties, très strictes, contre un brusque afflux d’importations chinoises. Nous avons maintenu les règles les plus contraignantes possible contre le dumping des produits chinois qui ont tant endommagé l’économie américaine par le passé. L’entrée de la Chine à l’OMC encouragera le pays à jouer selon les règles internationales », clame-t-il. De belles promesses restées quasi lettre morte.

Car, depuis son intégration, la Chine joue son propre jeu. Elle prend une trajectoire bien différente de ce que les Occidentaux anticipent alors.

« L’OMC a été conçue comme une organisation internationale visant à faciliter le commerce entre des économies de marché, dans lequel le rôle de l’Etat reste limité », explique dans une note parue en mai dernier Elvire Fabry, chercheuse senior à l’institut Jacques-Delors. En 2001, le défi est colossal pour Pékin. Son économie repose sur un très large secteur public et un rôle prédominant des entreprises d’Etat. Les Occidentaux donnent un délai de quinze ans pour opérer la mue via des privatisations et une libéralisation des entreprises d’Etat. Sinon, tout le système de l’OMC sera en péril. Une mise en garde qui aujourd’hui apparaît prémonitoire.

Renforcement des pouvoirs du président Xi Jinping, président à vie, régime de plus en plus autoritaire, omniprésence de l’Etat dans l’économie, larges subventions et persistance des entreprises publiques caractérisent la Chine actuelle. Un registre bien loin des standards de l’Occident. Tant et si bien que Washington et Bruxelles ont refusé, en 2016, d’accorder comme promis le statut d’économie de marché à la Chine.

La Chine ne respecte pas les règles de l’OMC

L’erreur est d’avoir pu penser qu’en Chine, le capitalisme d’Etat pourrait céder le pas au capitalisme de marché. Que le pays aurait pu adopter les valeurs occidentales de démocratie. Car pour Pékin, le modèle de l’Occident est en déclin.

Autre différence et de taille : la Chine n’a pas la même notion du temps que les Européens et les Américains. Un exemple ? Jamais une entreprise occidentale ne financerait un projet qui ne serait pas rentable. Pas la Chine qui pense à très long terme. Avec sa puissance financière publique accumulée depuis des décennies, elle ne se préoccupe pas en priorité d’une rentabilité à court terme si ses intérêts stratégiques le lui commandent. Cela lui est d’autant plus facile que l’Etat garde la mainmise sur l’économie. Ce qui est impensable dans le système capitaliste tel que l’Occident le pratique, cela ne l’est pas en Chine.

En mai dernier, l’ambassadeur de l’Union européenne à l’OMC estimait que les problèmes actuels de distorsions économiques mondiales et de surcapacités de production sont dus à des modes de fabrication qui ne sont pas fondés sur les principes du marché. Depuis 2001, observe encore Elvire Fabry, d’importants programmes de subventions publiques chinoises ont concerné autant l’industrie de l’acier et du verre, que du papier ou encore des pièces détachées dans l’automobile. Et si un effort de libéralisation de l’économie chinoise a bien été engagé, depuis la crise financière l’importance des entreprises d’Etat n’a fait que se renforcer. « Elles représentent aujourd’hui près de 40 % des principaux actifs industriels chinois et 80-90 % de part de marché dans les industries stratégiques. »

Au bout du compte, la Chine a beau vanter les mérites du libre-échange et de l’ouverture des marchés, elle s’en dédouane. Interrogé sur la naïveté des Occidentaux, Pascal Lamy, ex-directeur général de l’OMC, concède dans un entretien au « Monde » en juin dernier : « La Chine a payé, son accession en 2001, bien plus cher que d’autres pays en développement […]. On aurait dû faire mieux sur deux points : les subventions publiques aux entreprises et l’accès aux marchés publics, dès lors que la Chine se développait rapidement. » Il faut y ajouter le pillage de la propriété intellectuelle et le transfert forcé de technologies que dénoncent de plus en plus fortement l’Union européenne et les Etats-Unis. Outre que les marchés sont plus fermés en Chine qu’ailleurs, les entreprises étrangères font face à toutes sortes d’intimidations si elles ne transfèrent pas leur savoir-faire dans l’empire du Milieu.

« Made in China 2025 » inquiète

Le plan du gouvernement chinois « Made in China 2025 » offre une illustration parfaite des pratiques locales. Pour les partenaires économiques de la Chine, en Europe et aux Etats-Unis, ce plan aurait pu leur offrir des opportunités. « En principe, l’économie mondiale a de bonnes raisons d’accueillir la Chine dans sa quête d’une capacité d’innovation accrue, à condition que la Chine respecte les principes et les règles de l’ouverture des marchés et de la concurrence loyale », relevait le Mercator Institute for China Studies dans son étude « Made in China 2025 » parue en 2016. « Cependant, ‘Made in China 2025’, dans sa forme actuelle, représente exactement le contraire : le gouvernement intervient systématiquement sur les marchés nationaux afin de favoriser et de faciliter la domination économique des entreprises chinoises et de désavantager les concurrents étrangers. » Washington et Bruxelles ont raison de tempêter contre Pékin. L’heure est à un rééquilibrage des relations commerciales et à une réforme des règles de l’OMC . Encore faudra-t-il pour Bruxelles et Washington faire venir à la table des négociations la Chine. Et ne pas être une nouvelle fois ses dupes.

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