Woodward’s Book: Like a Headless Chicken

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Livre de Woodward: comme une poule sans tête

Il s’annonce dévastateur, le livre que le légendaire journaliste américain Bob Woodward s’apprête à publier au sujet de la présidence Trump.

En fait, selon les extraits de l’ouvrage diffusés hier, dévastateur n’est peut-être pas un mot assez fort. En les lisant, il faut parfois se pincer pour être sûr qu’on ne rêve pas. Parle-t-on bel et bien du président de la première puissance mondiale ?

Le Washington Post a été le premier, hier, à publier des passages de ce livre. Certains contiennent des révélations stupéfiantes, terriblement gênantes pour Donald Trump et, avouons-le, carrément terrifiantes.

Une des conclusions fondamentales qui s’en dégage, c’est que le président américain est un enfant qu’on doit prendre par la main pour éviter qu’il ne mette le feu partout où il passe.

Pour éviter qu’il ne déclenche une guerre mondiale, par exemple. Rien de moins !

Il ne faut surtout pas le quitter des yeux parce que c’est un enfant narcissique, égocentrique, colérique, qui souffre d’un grave déficit d’attention.

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Parmi les scènes les plus hallucinantes rapportées par Bob Woodward, il y a celle où Donald Trump se demande, visiblement irrité, pourquoi son pays dépense tant d’argent pour assurer la sécurité de la péninsule coréenne.

« Afin d’éviter la troisième guerre mondiale », lui répond le secrétaire à la Défense, James Mattis, qui finit par conclure que le président possède une compréhension des enjeux digne d’un élève « de cinquième ou sixième année » et qu’il agit comme un enfant de cet âge.

Il y a aussi la scène où Gary Cohn – qui était le principal conseiller économique du président jusqu’en mars dernier – décide de « voler » des lettres sur le bureau de Donald Trump pour l’empêcher de les signer. L’une d’elles devait mener au retrait des États-Unis de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). L’autre allait mettre fin à un accord commercial avec la Corée du Sud.

Le pire, c’est que Donald Trump ne s’est jamais rendu compte de la disparition de ces lettres !

On ne sait pas si on doit se réjouir du fait que les conseillers du président puissent le manipuler avec autant d’aisance pour le protéger contre lui-même, ou si on doit s’affoler de voir que l’homme le plus puissant du monde se comporte comme une poule sans tête !

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En janvier, le livre Le feu et la fureur (Fire and Fury) du chroniqueur Michael Wolff a offert de nombreuses preuves du dysfonctionnement de la Maison-Blanche et de l’incompétence du président républicain. Le livre a eu l’effet d’une bombe, mais la prudence était de mise : il fallait prendre avec un grain de sel certaines des révélations, se disait-on alors. L’auteur avait eu un accès privilégié à l’entourage de Donald Trump, mais son nom n’était pas synonyme d’excellence journalistique.

Avec Bob Woodward, c’est différent. Bien sûr, la Maison-Blanche a déjà dénoncé son travail et des conseillers cités dans le livre ont nié certaines informations embarrassantes – John Kelly persiste ainsi à dire qu’il n’a jamais traité Donald Trump d’« idiot » – , mais ce n’est pas suffisant pour entamer la crédibilité du reporter.

Le travail journalistique de Bob Woodward (et celui de son collègue Carl Bersntein, principalement) a mené à la démission du président Richard Nixon dans les années 70. Depuis, ce journaliste septuagénaire a publié de nombreux livres au sujet de la présidence. Et s’il a été maintes fois critiqué au fil des décennies, rares sont ceux qui lui ont reproché sa rigueur journalistique.

D’ailleurs, les extraits de son livre confirment ce que plusieurs journalistes ont rapporté au fil des mois au sein de plusieurs médias différents.

Ils donnent aussi raison au romancier Philip Roth qui, peu avant sa mort, avait fait part de ses réflexions au New York Times au sujet de l’Amérique de Donald Trump. Qui aurait pu croire, avait dit l’écrivain, que « le plus humiliant des désastres ne se manifesterait pas sous la forme d’un Big Brother orwellien terrifiant, mais sous celle, sinistre et ridicule, du bouffon prétentieux de la commedia dell’arte ».

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« C’est un idiot. C’est inutile d’essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il a complètement déraillé. Nous sommes à Crazytown. Je ne sais même pas ce que nous faisons ici. »

– John Kelly, secrétaire général de la Maison-Blanche, au sujet de Donald Trump, selon Bob Woodward

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