Who Controls Donald Trump?

 

 

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Affaibli par les révélations le dépeignant comme inapte à gouverner, le président tend à s’isoler. Mais tétanisés par la perspective d’une «vague bleue» lors des élections de mi-mandat du 6 novembre, les républicains, bien que divisés, continuent à le soutenir massivement.

Quand Donald Trump est en difficulté, il fait appel à ses enfants. Dernier exemple en date, l’interview de son fils Donald Trump Jr. diffusée sur Breitbart News, plateforme volontiers extrémiste et complotiste. «Donald Trump Jr. à Obama: Abracadabra! Mon père a réussi à redresser l’économie du pays, ce que vous n’avez pas su faire»: le titre est des plus explicites sur les intentions du clan Trump. L’interview survient alors que Barack Obama est sorti du bois pour mobiliser les démocrates.

«Lâcher Trump serait un suicide politique»

A quelques semaines des élections de mi-mandat, la nervosité est palpable à la Maison-Blanche. Les républicains pourraient perdre la majorité à la Chambre des représentants. Les premiers extraits du livre Fear du journaliste d’investigation Bob Woodward, dans le Washington Post, avaient de quoi rendre le président fébrile. Puis, il y a eu la tribune anonyme, dévastatrice, publiée dans le New York Times, d’un «haut responsable» de son administration, entraînant immédiatement une pluie inédite de démentis.

«Coup d’Etat administratif» ou «Deep State», tant le livre que l’opinion racontent comment de hauts cadres manœuvrent pour que Donald Trump ne dérape pas, allant jusqu’à subtiliser des documents sur son bureau. Traversés par un vent de renouveau, les démocrates comptent profiter des divisions des républicains, gênés par ces révélations successives qui dépeignent un président inapte à la fonction.

Qui «contrôle» Trump? A quelles fins, et avec quel succès? Pour Shermichael Singleton, la réponse est simple: personne ne contrôle Trump… à part Trump lui-même. Commentateur politique sur CNN, le républicain est l’un des rares Afro-Américains à avoir travaillé pour le président – au Ministère du logement – avant d’être limogé, en février 2017, un mois après avoir été engagé, en raison des critiques qu’il a osé émettre et qui sont apparues lors de son contrôle de sécurité. En octobre 2016, il appelait déjà les républicains à une sorte de sursaut moral pour empêcher Trump de devenir président.

«Pas d’autre choix»

«Les républicains du Congrès n’ont pour l’instant d’autre choix politique que de soutenir le président. Son taux d’approbation parmi les électeurs républicains est de 88% [sondage du Wall Street Journalet de la NBC en juillet, ndlr], un taux plus élevé que ceux des anciens présidents Obama et Clinton au sein de leur parti au même stade de leur présidence», rappelle Shermichael Singleton. «Le seul président à avoir obtenu une cote de popularité plus élevée était George W. Bush, au lendemain du 11 septembre 2001. Lâcher Trump en pleine année électorale serait un suicide pour les républicains.» Malgré le malaise que son comportement imprévisible, paranoïaque et erratique peut engendrer, malgré les accusations qui le visent et l’enquête russe qui touche son entourage, beaucoup de républicains préfèrent opter pour la stratégie des œillères. Et affichent une loyauté souvent motivée par des calculs politiques.

Christopher Arterton, professeur de sciences politiques à l’Université George Washington, livre la même analyse. A un détail près. «Personne n’est en mesure de contrôler Trump… même pas Trump lui-même», dit-il. Il cite le secrétaire général John Kelly, le ministre de la Défense Jim Mattis ainsi que sa fille Ivanka et son époux Jared Kushner, comme les rares personnes qui parviennent à exercer un certain pouvoir sur lui. Même si le vent peut tourner assez vite, à la moindre vexation. «Cette liste se raccourcit, surtout après le livre de Woodward et la tribune anonyme.» Il cite encore les sénateurs Mitch McConnell, Rand Paul et Lindsey Graham, ainsi que le speaker Paul Ryan.

Peur de la «vague bleue»

Ceux qui ont élu Trump en 2016 lui sont restés fidèles et loyaux, et tant que ce soutien existe, les dirigeants à Washington renonceront à se désolidariser de Trump, confirme Christopher Arterton. Même si certains continuent, en privé, de se plaindre qu’il est en train de détruire le parti. La peur d’une «vague bleue» – la couleur des démocrates – en novembre retient même les plus sceptiques. Les «Never Trumpers» par contre, cette frange de républicains résolument anti-Trump, donnent de la voix. Pour devenir plus cohérents, certains ont décidé de quitter le parti. Mais ils restent minoritaires.

Les résultats des primaires républicaines dans certains Etats sont par ailleurs révélateurs. Le 12 juin, Mark Sanford, qui n’a jamais ménagé Trump, a par exemple échoué en Caroline du Sud, alors que le lendemain, Corey Stewart, un candidat d’extrême droite et suprémaciste blanc soutenu par Trump, s’imposait en Virginie. «Gérable» ou non, Donald Trump parvient encore à mobiliser. Et même à redessiner le Parti républicain.

Ceux qui ont, ou avaient, un certain poids

John Kelly: il devait rendre le président présidentiel

Engagé pour remettre de l’ordre à la Maison-Blanche, le général est connu pour sa droiture. C’est à travers un tweet du président qu’il a appris sa nomination comme secrétaire général. Il a succédé à Reince Priebus, parti en juillet 2017, et exerçait auparavant la fonction de ministre de la Sécurité intérieure. John Kelly a contribué à débarrasser la Maison-Blanche de quelques éléments perturbateurs qui alimentaient des guerres intestines. Dans Fear, il est décrit comme l’ayant comparée à une «maison de fous», ce qu’il a démenti. Selon certaines rumeurs, il aurait déjà offert sa démission. Une chose est sûre: il aime agir dans l’ombre. Pour le commentateur politique Shermichael Singleton, un ancien de l’administration Trump, il est l’homme que beaucoup d’Américains voyaient comme capable de «rendre le président présidentiel». Mais sans le succès espéré.

Jim Mattis: le ministre qui ne craint pas de s’opposer à Donald Trump

Il était probablement jusqu’ici celui qui avait le plus d’influence sur Donald Trump. Le ministre de la Défense n’est pas du genre à appliquer des décisions qu’il jugerait inappropriées voire carrément dangereuses, et a à plusieurs reprises osé s’opposer à Donald Trump et imposer ses vues, quitte à s’attirer les foudres présidentielles. Tant lui que John Kelly sont dépeints dans Fear comme ayant eu des propos peu amènes envers le président, exaspérés par certaines attitudes, mais tous deux ont démenti avoir utilisé les mots qui leur sont attribués. De quoi néanmoins faire douter Trump? Selon le New York Times, il n’aurait désormais plus Mattis à la bonne, l’accusant d’être un «démocrate de cœur» et l’affublant du surnom Moderate Dog au lieu de Mad Dog. Il craint de passer pour sa marionnette. Jim Mattis l’aurait comparé à un enfant de 10 ans.

Mike Pompeo: l’ultra-conservateur sceptique devenu loyal

Ancien directeur de la CIA, ce «faucon» a remplacé Rex Tillerson comme secrétaire d’Etat et donc chef de la diplomatie américaine, après le limogeage de ce dernier en mars 2018. Il s’est très vite imposé, notamment dans le dossier nord-coréen. Proche du Tea Party, l’aile la plus conservatrice des républicains, Mike Pompeo était lors de ses mandats à la Chambre des représentants comme élu du Kansas un de ceux qui critiquaient avec le plus de véhémence l’accord sur le nucléaire iranien négocié par Barack Obama. Il apparaît aujourd’hui comme l’un des ministres les plus loyaux envers Trump. Mais qui dit loyal ne dit pas forcément influent. Et que l’on ne s’y méprenne pas: il n’a pas toujours été pro-Trump. En mars 2016, Mike Pompeo avertissait par exemple que Donald Trump serait un «président autoritaire». Voulait-il dire «ingérable»?

Lindsey Graham: de bête noire à confident

Il est indéniablement le personnage le plus intrigant. Très critique envers Donald Trump pendant la campagne présidentielle, n’hésitant pas à l’affubler des pires noms d’oiseaux – il l’a traité de «fainéant de classe mondiale» et a suggéré «qu’il aille en enfer» –, le sénateur républicain est depuis régulièrement vu à la Maison-Blanche ou sur les terrains de golf avec le président. Passé du statut de bête noire de Trump à celui de confident, Lindsey Graham, connu pour sa liberté de parole, fait-il en fait surtout preuve d’un pragmatisme (ou opportunisme) prononcé, pour imposer son agenda? Le mois dernier, sur CNN, il qualifiait les relations tendues entre Donald Trump et son ministre de la Justice d’«irréparables». Et a suggéré que Jeff Sessions soit remplacé. Difficile à suivre? Le conservateur était aussi un des meilleurs amis du sénateur John McCain, qui a refusé que le président vienne à son enterrement.

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