Africa Has Stayed under Donald Trump’s Radar

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Donald Trump se désintéresse de l’Afrique et cumule les marques d’ignorance à son égard, même sans le préméditer. Dans sa bouche, lors d’un discours prononcé à New York face à des homologues africains, la Namibie (« Namibia », en anglais) devient « Nambia ». De l’ignorance et du mépris. Nul n’a oublié, sur le continent et ailleurs, que, selon des médias américains, il a traité les Etats africains de « pays de merde » lors d’une réunion sur l’immigration dans le bureau Ovale en janvier 2018. Des propos qu’il nie avoir tenus, mais la polémique a installé l’idée que Donald Trump méprise autant l’Afrique que son prédécesseur Barack Obama, né d’un père kényan, respectait ce continent.

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Paradoxe : il a beau susciter l’indignation chez une majorité d’Africains – l’Union africaine avait d’ailleurs réclamé des excuses après ces insultes –, Donald Trump fait des émules. On ne peut négliger l’effet Trump sur les remises en cause du multilatéralisme et de l’universalité de certains principes et valeurs, dont les droits humains, qui dépassent certes le continent mais l’affectent tout particulièrement. On l’a vu encore, récemment, lorsque les militaires nigérians ont justifié des exactions en invoquant les propos musclés de Donald Trump, le 1er novembre, lors de son discours sur sa politique migratoire. Il avait autorisé ses soldats à utiliser leurs armes s’ils devaient faire face à des migrants jetant des pierres.

Et quand la première dame, Melania Trump, effectue une tournée humanitaire sur le continent en octobre, on est encore dans la caricature. Avec son casque colonial vissé sur la tête lors d’un safari au Kenya, la First Lady semble coincée dans un autre siècle des relations entre l’Afrique et les Etats-Unis.

Priorité à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme

Au-delà de ces sorties déplorables qui entachent la perception du continent par les Etats-Unis, la politique africaine de l’administration s’est déroulée dans un vide relatif. Alors que le président Trump est entré en fonction en janvier 2017, le responsable de l’Afrique au département d’Etat (Tibor Nagy, un diplomate de carrière) n’a été confirmé que fin juin 2018. Côté Maison Blanche et Pentagone, les responsables Afrique, eux, sont deux anciens de la CIA (Cyril Sartor au Conseil de sécurité nationale et Alan Patterson au département de la défense).

Dans ce contexte, le discours de Tom Shannon, alors sous-secrétaire d’Etat aux affaires politiques, en septembre 2017, reste à ce jour la seule véritable présentation de la politique africaine sous Trump. Reprenant la stratégie pour l’Afrique de l’administration Obama, il a inversé la hiérarchie des priorités pour mettre en tête sécurité et lutte contre le terrorisme, tout en insistant sur les opportunités commerciales du continent et en laissant bonne dernière la promotion de la bonne gouvernance.

La conséquence a été une militarisation accrue de la politique américaine en Afrique, accentuée par le choix de Trump de déléguer les décisions de terrain aux militaires. L’engagement américain de longue date en Afrique s’est donc intensifié, en particulier en Somalie, avec une augmentation des frappes militaires contre les groupes affiliés à l’organisation Etat islamique (EI). Au Sahel, l’engagement américain s’est poursuivi en coopération avec la France, qui demeure en première ligne, et par un soutien financier au G5 Sahel.

En parallèle, les Etats-Unis ont poursuivi leur implantation au Niger, « lieu stratégique au carrefour de trois fronts terroristes dont les bases sont en Libye, au Mali et au Nigeria », selon l’Africom, le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique. Ce pays accueille désormais la plus forte présence militaire américaine (730 hommes) après Djibouti (4 000, sur un total de 7 200 pour l’ensemble du continent hors Egypte), même après l’embuscade qui a coûté la vie à quatre militaires américains en octobre 2017. L’implication américaine directe en Libye s’est également intensifiée.

Un terrain d’affrontement avec les autres puissances

Sur le plan commercial, l’évolution est plus nette. Appliquant les nouveaux préceptes d’une diplomatie transactionnelle et d’un positionnement anti-libre-échange, l’administration Trump a engagé plusieurs révisions de la loi commerciale de l’ère Clinton, l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), remettant en cause l’accès libre au marché américain de produits africains. Il en est allé ainsi avec le Rwanda, pour des raisons de réciprocité, mais aussi tout récemment avec la Mauritanie, en invoquant l’esclavage.

Dans les deux cas, ces évolutions témoignent de l’influence du représentant au commerce, Robert Lighthizer, un adepte du protectionnisme qui avait déjà servi sous Reagan, et surtout du changement de paradigme de la politique commerciale américaine, avec un nationalisme assumé exigeant la réciprocité ou posant des conditions, pour défendre les intérêts américains.

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Autre élément important, l’influence des évangéliques et sa traduction au Congrès avec le retour du « Global Gag Rule », une disposition remise en vigueur à l’arrivée de chaque nouvelle administration républicaine et qui interdit de financer toute organisation pratiquant, conseillant ou même évoquant l’avortement. Cet aspect a un impact important sur l’aide américaine à l’Afrique, où les questions liées au planning familial sont prépondérantes.

Surtout, l’Afrique apparaît dans les documents stratégiques de Trump comme un terrain de l’affrontement avec les autres grandes puissances. Pour contrer les « nouvelles routes de la soie » chinoises, le Congrès a voté fin septembre une loi qui prévoit une nouvelle politique d’investissements, avec d’importantes répercussions en Afrique. Les pays africains, au cœur de cette concurrence accrue entre les Etats-Unis, la Chine, la Russie et la France, ont désormais une multiplicité d’offres alternatives.

Maya Kandel, historienne à l’université Paris-3-Sorbonne-Nouvelle, tient un blog sur la politique étrangère des Etats-Unis.

Maya Kandel (historienne)

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