A Wall, a Shutdown and a Stalemate

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ÉDITORIAL. Le «shutdown» est provisoirement suspendu pendant trois semaines. Mais l’impasse à propos du «mur» demeure, face à la volonté de Donald Trump de ne pas renoncer à une promesse de campagne

Les conséquences du shutdown qui a paralysé une partie de l’administration américaine ont pris des proportions surréalistes. Factures et loyers impayés avec risques d’expulsion, dettes qui s’accumulent, secteurs économiques entiers sclérosés, tourisme en berne: ce sont bien davantage que les 800 000 fonctionnaires sans paie qui ont été affectés. Les effets par ricochet sont énormes. Pas de délégation américaine à Davos, discours du président sur l’état de l’Union menacé. A New York, l’aéroport LaGuardia a dû espacer les atterrissages d’avions en raison d’un taux d’«absentéisme inhabituel» parmi le personnel censé venir travailler sans salaire. A l’origine de tout ce désordre: les tractations qui patinent au Congrès à propos des 5,7 milliards de dollars que Donald Trump exige pour le «mur» qu’il veut ériger entre les Etats-Unis et le Mexique. Les démocrates résistent. Donald Trump insiste. Le chaos persiste. Le compromis partiel trouvé vendredi – la réouverture provisoire du gouvernement fédéral pendant trois semaines – représente une petite trêve. Une respiration. Mais il ne résout pas le fond du problème. Les négociations se heurtent toujours contre le «mur».

Ce shutdown a sévi depuis le 22 décembre. C’est le plus long de l’histoire américaine. Il a donné une image déplorable de l’Amérique d’aujourd’hui, privée de loi budgétaire. Son coût a dépassé celui du «mur». Il a fait l’objet d’une violente guerre des nerfs entre le président américain et la démocrate Nancy Pelosi, speaker de la Chambre des représentants, troisième personnage le plus important de la politique américaine. Et pourrait réapparaître dès le 15 février. Trump veut son «mur». Il n’est prêt qu’à troquer son béton contre de l’acier et à faire de vagues concessions vis-à-vis des clandestins déjà sur sol américain. Insuffisant, pour les démocrates, qui refusent de vendre leur âme au diable. En attendant, ce sont des centaines de milliers d’Américains qui ont été pris en otage, victimes d’une polarisation politique extrême toujours plus nuisible au bon fonctionnement d’un Etat démocratique. En matière de politique de confrontation, Donald Trump, enclin à n’écouter que lui-même, sait y faire. Sauf que quand le président éternue de la sorte, c’est le pays entier qui s’enrhume.

L’impasse a trop duré. Ce «mur» est non seulement immoral, il serait surtout inefficace. Les autorités des principales villes américaines à la frontière, confrontées aux réalités du terrain, sont les premières à le dire. Or l’obstination de Donald Trump, et c’est là que le bât blesse, relève davantage de l’ego que d’une réelle conviction d’efficacité. S’il s’accroche à son «mur» comme une moule à son rocher, c’est parce qu’il en avait fait l’une de ses principales promesses de campagne. Et que, pris à son propre piège, il ne veut pas perdre la face. Quitte à provoquer le chaos dans un pays entier, bien au-delà des fonctionnaires pour lesquels il n’a que peu d’estime. On ne fait pas de la politique avec des symboles et des promesses en trompe-l’œil.

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