Kim and Trump, Peace or Nothing

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Nucléaire. Kim et Trump, la paix, sinon rien

Mercredi, 27 Février, 2019

Lina Sankari

Le second sommet entre les dirigeants nord-coréen et américain s’ouvre aujourd’hui au Vietnam. La dénucléarisation ne pourra aboutir sans une déclaration de fin de guerre préalable.

On connaissait Donald Trump en président impulsif, habitué à parier, à tweeter et à jauger ensuite. À la veille du second sommet avec Kim Jong-un, le locataire de la Maison-Blanche s’est certes dit « impatient » de rencontrer son homologue nord-coréen mais pas « particulièrement pressé » d’obtenir des résultats en matière de dénucléarisation alors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a suspendu ses essais nucléaires le 24 avril 2018. Le ton tranche avec l’atmosphère tendue de ces derniers mois. Après le sommet de juin à Singapour, insatisfait de ne pas obtenir de preuves tangibles d’une « dénucléarisation complète, vérifiée et irréversible », le secrétaire d’État Mike Pompeo annulait un déplacement à Pyongyang et durcissait les sanctions alors même que le pays était déjà sous le coup d’un embargo des plus stricts. Comment aurait-il pu en être autrement quand la définition même de dénucléarisation diffère entre les deux pays et que la première rencontre a débouché sur une vague déclaration d’intention sans feuille de route précise ?

Les deux Corées main dans la main

C’est tout l’enjeu du second sommet qui s’ouvre aujourd’hui à Hanoï (Vietnam) pour deux jours. Particulièrement actif, le bureau du président sud-coréen, Moon Jae-in, a transmis une série de mesures afin d’avancer vers la dénucléarisation de l’ensemble de la péninsule. Séoul, actuellement sous parapluie nucléaire américain, a jusqu’alors refusé l’introduction d’armes nucléaires tactiques de type B61 proposée par l’administration Trump (de 1958 à 1991, Washington avait déjà déployé au Sud des centaines de têtes nucléaires). Les Sud-Coréens doivent « déterminer eux-mêmes l’avenir de (leur) nation » et « il ne doit pas y avoir d’action militaire sur la péninsule sans notre accord préalable », arguait le président Moon avant la détente de l’an dernier. « Nous n’allons pas reproduire les tragédies de l’Histoire, comme la colonisation ou la division, au cours desquelles le sort de notre nation a été déterminé sans égard pour notre volonté », avait-il ajouté.

À ce titre, les deux Corées, qui font montre de leur volonté de reprendre leur destin en main loin de l’ingérence des grandes puissances, ont avancé sur un certain nombre de dossiers sans les États-Unis. Ainsi, les deux frères – jusque-là – ennemis ont-ils entamé le déminage de la frontière que l’ancien président Clinton se plaisait à décrire comme l’« endroit le plus effrayant au monde ». Le plus militarisé en tout état de cause. Au-delà, Pyongyang et Séoul travaillent à la jonction des chemins de fer et des autoroutes en un seul système transnational, à des projets de coopération économique, et notamment de centrales électriques pour pallier les problèmes d’approvisionnements énergétiques du Nord. Les deux capitales ont également déposé un dossier auprès de l’Unesco afin d’inscrire la lutte coréenne sur la liste du patrimoine mondial et une candidature commune aux jeux Olympiques de 2032.

Trump vers une approche plus subtile que le « tout ou rien »

La confiance demeure la question centrale du second sommet entre Kim et Trump. Les relations entre Washington et Pyongyang évolueront-elles au point que le pouvoir nord-coréen croie une survie sans armes nucléaires possible ? Et donc sans menace extérieure. « C’est fini, nous n’avons pas l’intention de renverser le régime », insiste Stephen Biegun, l’émissaire spécial états-unien pour la Corée du Nord. Après les interventions en Irak, en Libye et les efforts vains pour destituer le président syrien, Assad, la RPDC reste méfiante. Si elle apparaît comme un objectif de long terme, la dénucléarisation ne pourra aboutir sans, au minimum, une déclaration de fin de guerre préalable moins contraignante sur le plan juridique qu’un traité de paix officiel. Le président Trump semble avoir évolué vers une approche plus subtile que le « tout ou rien » qui prévalait jusqu’alors. Une telle déclaration permettrait également de neutraliser les partisans de la ligne dure à Pyongyang. Si les États-Unis acceptaient de reconnaître la Corée du Nord comme un État nucléaire – et rien n’est moins sûr à ce stade –, la RPDC pourrait toutefois être poussée à rejoindre le traité de non-prolifération nucléaire (TNP), voire à promulguer les garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et à ratifier le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice).

La position de Pyongyang semble également avoir évolué. Kim Yong-chol, un des principaux négociateurs du Nord, aurait ainsi assuré à Trump que la RPDC ne « demanderait pas le retrait des troupes américaines en Corée du Sud » dans le cadre d’un accord de paix. Autre avantage pour Kim : une déclaration de fin de guerre légitimerait son pouvoir. Pour son homologue sud-coréen, qui a fait de la détente l’une des priorités de son mandat, l’avancée vers un traité de paix permettrait également de faire taire les conservateurs. Outre leurs positions bellicistes, ceux-ci ne digèrent toujours pas l’augmentation du salaire minimum de 16 % et le passage de la durée légale maximale du travail de 68 à 52 heures par semaine. Avant la présidentielle de 2020, l’enjeu est enfin de taille pour Donald Trump, dont la politique extérieure peine à donner des résultats. Après le passage consacré à la Corée dans le discours de l’état de l’Union de Donald Trump, il y a fort à parier que les démocrates, qui contrôlent la Chambre des représentants, exigeront des avancées concrètes. S’il débouchait sur un accord de paix, Trump pourrait néanmoins se targuer d’avoir réussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué.

L’avancée vers une déclaration de fin de la guerre patine du fait d’enjeux qui dépassent la péninsule. Notamment entre la Chine et les États-Unis, engagés dans une sévère guerre commerciale pour savoir qui prendra le leadership mondial dans les années à venir. Si Kim Jong-un a confirmé l’an dernier, devant le comité central du Parti du travail de Corée, la « nouvelle orientation stratégique » faisant primer le développement économique sur le déploiement militaire, les superpuissances s’affrontent désormais pour savoir qui aura le plus d’influence dans ce paysage où tout reste à écrire ou presque. Sur Twitter, Donald Trump suggère un avenir qui ne se dessinera pas sans les États-Unis : « Le président Kim réalise, peut-être mieux que quiconque, que sans armes nucléaires son pays pourrait vite devenir l’une des grandes puissances économiques du monde. » Ajoutant que la Corée du Nord, grâce à « sa situation géographique et à son peuple, a plus de potentiel pour une croissance rapide que n’importe quelle autre nation ! ». Il ne devrait cependant pas oublier que la Chine et la Russie ont aussi de multiples projets sur la table qui n’attendent que la levée des sanctions pour être finalisés. Au-delà de ressources potentielles en zinc, magnésite, cuivre et fer, il existe déjà un projet de rail reliant la Corée du Nord à la Chine, la Russie et l’Europe. Moscou, investi à l’instar de Pékin dans des zones économiques spéciales au Nord, imagine, depuis 2011, un gazoduc de la Sibérie à la Corée du Sud qui désenclaverait l’ensemble de la péninsule. Pyongyang entend bien jouer de ces rivalités pour obtenir le maximum des grandes puissances.

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