Mueller Report: Trump in the Position of an Autocrat

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La guerre est déclarée, et bien déclarée. Celle entre Donald Trump et la nouvelle majorité démocrate à la Chambre des représentants au sujet du rapport Mueller sur l’ingérence russe. William Barr est l’homme de main mis en place pour effectuer la besogne, moins procureur général qu’avocat de la défense, comme en fait foi l’énergie avec laquelle il a défendu les intérêts de son patron mercredi devant la Commission de la justice du Sénat, à majorité républicaine, puis son refus le lendemain de se présenter devant celle de la Chambre des représentants.

Atteinte à l’ordre constitutionnel, mépris de l’État de droit… Les opposants de tous bords à M. Trump en ont beaucoup agité le spectre depuis deux ans, et avec raison, pour dénoncer la part d’impunité avec laquelle il manigance et met la présidence à sa main. Le Congrès reprenant ses travaux après la pause pascale, le conflit devient maintenant plus explicite encore, la Maison-Blanche affichant sans complexes son indifférence à l’égard de l’essentiel principe, en cette démocratie imparfaite, de la séparation des pouvoirs.

M. Trump avait préparé le terrain il y a une dizaine de jours en affirmant : « Nous nous battons contre toutes les citations à comparaître » présentées par l’une ou l’autre des six commissions de la Chambre qui se penchent sur son cas. Non à la divulgation de ses déclarations de revenus, non à l’audition d’un conseiller sur la politique migratoire, non à la comparution de l’ancien conseiller Donald McGahn, témoin clé de l’enquête Mueller sur les allégations d’obstruction à la justice… Bref, non à tout, au nom des « privilèges du pouvoir exécutif ». Tel est l’énervement parmi les Trump que la famille a lancé lundi dernier des poursuites contre les banques allemande Deutsche Bank et américaine Capital One pour les empêcher de remettre à une commission des informations sur ses transactions financières — que d’aucuns jugent troubles.

Qu’un président résiste à collaborer avec un Congrès dont il n’a pas le soutien partisan n’est pas inédit. Richard Nixon vient à l’esprit. À l’époque du scandale du Watergate, il avait tenté de bloquer la divulgation d’enregistrements incriminants, ce que la Cour suprême lui avait refusé en estimant que le « privilège exécutif » ne protégeait pas des informations pertinentes dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de crimes.

Le comportement de M. Trump est inédit en ce qu’il cherche à empêcher la Chambre des représentants, partout et tout le temps, de jouer son rôle constitutionnel de surveillance du gouvernement. Un rôle qui est forcément équivoque, bien entendu, puisqu’en l’occurrence, la majorité démocrate, naviguant tout à la fois en terrain légal et politique, se trouve à être juge et partie.

Reste qu’il devient toujours plus évident que, le 24 mars dernier, M. Barr a fourni un résumé tendancieux du rapport Mueller en soutenant qu’il lavait M. Trump de tout soupçon. Or, même expurgé, le rapport rendu public trois semaines plus tard déconstruit ce verdict d’acquittement, ou du moins le nuance beaucoup, faisant état d’une centaine de contacts avec les Russes et d’une douzaine d’incidents susceptibles de s’apparenter à de l’obstruction à la justice — à commencer par la demande faite par M. Trump de renvoyer le procureur spécial. Qui plus est, l’édulcoration à laquelle s’est livré M. Barr est confirmée par une lettre de M. Mueller que le Washington Post a rendu publique mardi soir. Une lettre datée du 27 mars dans laquelle, démarche tout à fait inhabituelle, le procureur spécial se plaint auprès de ses supérieurs du fait que le sommaire de M. Barr ne reflétait pas « le contexte, la nature et le contenu » de son enquête.

Sous, entre et par-dessus tous ces grands enjeux de clarté démocratique, il y a le cirque partisan, à 18 mois de la présidentielle de 2020. Il est nécessaire que M. Mueller aille témoigner en commission, que les démocrates obtiennent une copie non caviardée de son rapport, que M. Barr ne se sente pas permis de mentir… Bref, que les prérogatives du Congrès soient respectées.

Pour autant, que peuvent vraiment les démocrates contre un président qui se mure — ou jusqu’où sont-ils prêts à aller ? La procédure de destitution ? L’opinion publique y est peu favorable et elle n’aboutirait pas de toute façon, comme les républicains sont majoritaires au Sénat. Sans compter qu’elle se trouverait, ainsi que le font valoir les Pelosi et les Sanders, à faire tourner le pays, ce qui serait vain, autour de la seule personne de M. Trump, qui ne demanderait pas mieux. Les démocrates sont sur le pied de guerre, mais ils le sont en ordre dispersé.

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