‘Modern Monetary Theory’ or the Monetary Financing of Government Spending

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Nouvelle approche économique prônée par la gauche du Parti démocrate aux Etats-Unis, la «MMT» semble également séduire à Wall Street.

Le débat sur la politique économique aux Etats-Unis tourne en partie autour de la «Modern Monetary Theory» (MMT). Cette approche, dont la principale représentante, Stephanie Kelton, est l’ex-économiste en chef de la campagne de Bernie Sanders, est largement reprise par la gauche du Parti démocrate, notamment Alexandria Ocasio-Cortez. Si la MMT suscite des controverses avec des économistes conservateurs (Rogoff) ou centristes (Krugman), elle rencontre aussi un certain succès du côté des financiers de Wall Street ; on verra pourquoi.

Plus qu’une nouveauté radicale, la MMT, de l’aveu même de ses promoteurs, reprend des idées anciennes et les présente dans un emballage «moderne», un qualificatif toujours vendeur. Cependant, son originalité est de changer radicalement la perspective sur le financement des dépenses publiques et le rôle de la politique budgétaire.

Le contexte est celui où la gauche du Parti démocrate envisage un vaste programme d’expansion de l’Etat social ; une question récurrente concerne évidemment le financement de ce programme. Une réponse classique serait de dire que pour respecter la contrainte budgétaire, il serait nécessaire d’augmenter les impôts, ce qui risquerait de mécontenter les «classes moyennes». La MMT permet, en principe, de dépasser ce problème en posant qu’il n’y a pas de limite fiscale à la dépense publique.

La principale proposition de la MMT est qu’un pays qui contrôle sa monnaie ne connaît pas de contrainte budgétaire puisqu’il lui est toujours possible de payer ses dépenses avec sa monnaie. A la limite, un gouvernement n’a même pas besoin de s’endetter en émettant des titres publics, la monnaie tient ce rôle. Il n’y a aucun risque de défaut sur cette dette puisque l’Etat contrôle l’émission de monnaie. Cette dernière est donc une dette à taux d’intérêt nominal nul.

La première objection qui intervient dans le débat MMT contre le reste du monde concerne l’inflation. Un Etat sans contrainte ne va-t-il pas émettre «trop» de monnaie et déprécier ainsi sa valeur ? L’Etat remboursera toujours ses «dettes», certes, mais peut-être en monnaie de singe. Les partisans de la MMT répliquent que le problème de l’inflation ne risque de se poser qu’au plein-emploi, lorsqu’apparaît la contrainte d’offre. Et c’est là que la politique fiscale doit jouer son rôle de contrôle de l’inflation.

Si l’inflation menace en raison d’une demande globale supérieure à l’offre, une hausse des impôts doit permettre de diminuer cette demande et d’apaiser les tensions inflationnistes. La contrainte de la politique économique n’est donc pas l’équilibre budgétaire ou le montant de la dette publique mais le respect d’une cible d’inflation.

Cette conception de l’inflation ne fait pas l’unanimité à gauche. D’autres courants d’économie non orthodoxe font remarquer que l’excès de demande n’est pas la seule ni même la principale source de la hausse des prix. D’autres déterminants comme la structure oligopolistique des marchés ou le conflit capital-travail autour de la répartition des revenus demanderaient d’autres types d’intervention, plus réglementaires ou institutionnels qu’une simple politique fiscale.

Mais si la politique fiscale a pour but de contrôler l’inflation, comment être certain de pouvoir maintenir l’économie au plein-emploi ? La MMT reprend une idée ancienne, celle de la garantie d’emploi, qui fait de l’Etat l’employeur en dernier ressort. Il s’engage à employer les demandeurs d’emploi au salaire minimum, une idée simple dans son principe mais probablement moins dans sa mise en œuvre. Ce dispositif agit comme un stabilisateur automatique, permettant de conserver un niveau de demande globale élevé en cas de conjoncture dégradée. La politique économique sortirait ainsi du fameux dilemme inflation-chômage : la lutte contre la hausse des prix ne passerait plus par une baisse de l’emploi et s’épargnerait les coûts sociaux correspondants.

Pourquoi la MMT plaît-elle tant à certains financiers de Wall Street ? On peut supposer qu’un financement des dépenses publiques qui ne passe pas par une augmentation des impôts a tout pour leur plaire. D’autant plus que le rôle dévolu à la politique fiscale, limiter la demande pour combattre l’inflation, laisse entrevoir qu’ils ne seraient pas les premiers visés par une action de ce type. Si l’objectif est de modérer la demande globale, les principaux contributeurs devraient être ceux dont la propension à consommer est la plus élevée, donc pas les ménages les plus aisés.

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