Demagogues in Power

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Les démagogues au pouvoir

La décision de Boris Johnson de suspendre temporairement le Parlement marque son choix de jouer le peuple contre les élus. C’est habile mais démocratiquement inquiétant. En Italie, aux Etats-Unis, au Brésil et ailleurs, les résultats des populistes sont affligeants quand ils exercent le pouvoir.

Cela fait 300 jours que Jair Bolsonaro a pris les commandes du Brésil, 500 que Matteo Salvini a remporté les législatives italiennes, près de 1.000 que Donald Trump occupe la Maison-Blanche et 1.100 que les Britanniques ont voté le Brexit. Pour quels résultats à chaque fois ? Un long examen n’est pas nécessaire pour conclure qu’ils ne sont pas brillants. Ces dernières années, les populistes ont manifestement trouvé les mots pour conquérir le pouvoir. Ils montrent vite leurs limites pour l’exercer.

La décision de Boris Johnson de suspendre le Parlement de Westminster pendant cinq semaines pour lui laisser les mains libres sur la sortie de Londres de l’Union européenne fin octobre est une négation démocratique. Certes, il est possible qu’une partie de l’opinion l’approuve : les députés se sont montrés incapables depuis deux ans d’avancer, pensera-t-elle. Certes, c’est habile. C’est surtout le choix du premier ministre, jouer le peuple contre ses élus. Dans le pays qui a vu naître le parlementarisme, c’est un curieux signal.

De l’autre côté des Alpes, le dynamitage de la coalition au pouvoir par le patron de la Ligue a plongé l’Italie dans une crise politique profonde. L’issue inattendue pourrait être un gouvernement sans Matteo Salvini, qui subirait ainsi un cinglant échec. Au Brésil, le comportement personnel et des décisions de Jair Bolsonaro soulèvent l’indignation d’une partie du monde tandis que la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump pèse sur l’économie globale sans profiter aux Etats-Unis.

A chaque fois, l’attrait du nouveau et l’attirance d’une partie des électeurs mécontents de leur situation pour ceux qui parlent haut et cru facilitent les débuts des démagogues. Mais vite, le principe de réalité reprend ses droits et les promesses hâtivement faites se fracassent, ici sur des enjeux supérieurs (la paix en Irlande), là sur une économie en panne structurelle (en Italie), là encore sur un rapport de forces qui est moins simpliste qu’escompté (Washington contre Pékin). Soudain, tout est plus compliqué.

L’inquiétude que suscite ce tour d’horizon est double. Les échelles de valeurs se modifient et nous nous habituons peu à peu aux tweets rageurs, aux décisions abracadabrantesques voire aux insultes. Il a suffi que le président américain s’assagisse un week-end à Biarritz pour apparaître plus raisonnable… que d’autres ! Ensuite, les démocrates raisonnables peinent encore à accoucher de solutions aux problèmes contemporains, notamment la colère des classes moyennes inférieures. Tant qu’ils ne les auront pas, les démagogues auront le vent en poupe.

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