Andrew Yang, the President America Needs

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Andrew Yang, le président qu’il faut pour l’Amérique

Parmi l’ensemble des candidats à la primaire démocrate aux Etats-Unis, Andrew Yang est l’un des rares à prendre au sérieux la révolution technologique en cours. Il propose ainsi de donner à chaque internaute la propriété de ses données personnelles qu’il pourra monnayer ou détruire, selon son bon-vouloir.

Andrew Yang, candidat à la primaire démocrate

Robyn BECK/AFP

Par Gaspard Koenig (Philosophe et président du Think Tank Génération Libre)

Aux primaires des démocrates américains, je vote Andrew Yang. Jamais élu, inconnu du grand public il y a encore quelques mois, cet entrepreneur au visage poupon est parvenu à se qualifier pour le quatrième débat, parmi la dernière vingtaine de candidats. Il fait émerger des thèmes qui passaient hier encore pour des lubies futuristes, mais qui sont amenés à structurer le XXIe siècle.

Trump, contrecoup de l’automatisation

Tout d’abord, Andrew Yang est une des très rares figures politiques à prendre au sérieux la révolution technologique en cours. Comme l’industrialisation, il y a deux siècles, la numérisation du monde doit nous forcer à repenser l’ensemble de notre paradigme économique et social. Dans son livre « The War on Normal People », au titre explicite, Andrew Yang se livre de l’intérieur de la bulle californienne à une critique en règle de la tech, en soulignant ses conséquences sur la transformation des métiers comme sur la création de nouvelles addictions. Il voit dans l’élection de Donald Trump le contrecoup de l’automatisation plus que de l’immigration. Technophile, fondateur d’une association caritative vouée à rendre plus accessibles les métiers de la tech (« Venture for America »), Andrew Yang ne suggère nullement de casser les machines, mais plutôt d’en redonner le contrôle au citoyen. A cette fin, il propose de créer des politiques publiques adéquates et non de s’en remettre à la bonne volonté des entrepreneurs. De même qu’on ne peut reprocher à personne de suivre les règles du jeu, on ne peut demander à ceux qui en profitent le plus de programmer leur propre sabordage. Exit donc la RSE et les comités d’éthique, vive la loi commune !

« Le revenu universel éradique la grande pauvreté, réduit la bureaucratie, favorise l’esprit d’entreprise. »

Parmi la liste de mesures qui me semblent relever d’une conception intelligente du progrès, depuis l’utilisation du nucléaire pour accompagner la transition énergétique jusqu’à la nécessité d’en finir avec l’incarcération de masse en passant par la légalisation du cannabis, deux ont le potentiel de refonder radicalement notre contrat social.

La première, c’est le revenu universel , qu’Andrew Yang fixe à 1.000 dollars par mois pour chaque citoyen adulte, versé sans aucune condition. Hillary Clinton y avait réfléchi durant sa campagne de 2016, comme elle l’a confié dans son livre de témoignage, « What Happened ». Andrew Yang saute le pas en s’appuyant sur les expériences réussies en Namibie, au Kenya ou en Alaska, et en invoquant les arguments libéraux classiques : le revenu universel éradique la grande pauvreté, réduit la bureaucratie, favorise l’esprit d’entreprise, et permet à chacun de faire véritablement ses choix. Alors que le modèle du salariat à vie touche à sa fin, c’est aussi une manière de penser une politique sociale respectueuse de l’individu, en donnant à celui-ci les moyens d’effectuer ses propres transitions. Le financement par la TVA au niveau fédéral permettrait de responsabiliser le citoyen bénéficiaire : chacun reçoit et chacun contribue. Cela nécessiterait pas moins qu’un nouvel amendement à la Constitution américaine.

« Plutôt que de découper Facebook en morceaux, Andrew Yang entend le priver de ce qui fait l’essence de son monopole : le contrôle exclusif de nos données. »

La deuxième mesure révolutionnaire, annoncée la semaine dernière par le candidat, consiste à instaurer un droit de propriété privée sur les données personnelles , en les traitant comme des biens. Ainsi nous pourrions décider nous-mêmes de la manière dont nos données sont collectées (usus), les retirer de la circulation ou même les détruire (abusus), et les monétiser si nous le souhaitons (fructus). Plutôt que de découper Facebook en morceaux comme le propose Elizabeth Warren, « solution du XXe siècle aux problèmes du XXIe », Andrew Yang entend le priver de ce qui fait l’essence de son monopole : le contrôle exclusif de nos données. Si chacun peut transférer à volonté l’ensemble de son profil, de ses amis et de ses posts sur une autre plate-forme, la concurrence devrait s’installer naturellement. Et surtout, en devenant propriétaires des data que nous émettons, c’est l’expression de nos propres préférences que nous pourrions à nouveau maîtriser, pour retrouver cette part de nous-même aujourd’hui disséminée dans les serveurs.

Nouvelle forme de capitalisme

Alors que le débat français se ressemble et se répète, avec les escarmouches saisonnières sur la bioéthique ou les retraites, Andrew Yang témoigne de la capacité des Etats-Unis à apprendre de leurs erreurs et à se projeter dans l’avenir. Ce qu’il appelle « une nouvelle forme de capitalisme » est aussi une tentative de renouveler le projet libéral dans lequel je retrouve avec émotion, par-delà les océans, nombre des propositions développées par GenerationLibre. On se sent soudain moins seul.

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