A Boor in Washington

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Un butor à Washington

“Un monde s’effondre devant nos yeux. Un vertige.” Dans la nuit du 8 au 9 novembre 2016, l’ambassadeur de France aux États-Unis, Gérard Araud, s’affranchissait de son devoir de réserve pour livrer son sentiment devant la victoire stupéfiante du milliardaire républicain Donald Trump sur la favorite démocrate Hillary Clinton. Depuis, c’est bien une présidence vertigineuse à laquelle assistent le monde et les Américains, plus divisés que jamais trois ans après l’arrivée de Trump à la Maison Blanche. Sur la forme comme sur le fond, le butor de Washington a redéfini tout ce que l’on connaissait de la démocratie et de ses règles dans la première puissance économique mondiale.

Sur la forme, on retient les innombrables outrances, les éructations, les colères, les approximations, les fake news et le culot monstre de Donald Trump. Commentateur de sa propre présidence, l’ancienne star bling-bling de la téléréalité est sans filtre. Que ce soit sur son compte Twitter devenu son principal canal de communication à coups de messages en lettres majuscules postés à toute heure du jour ou de la nuit. Que ce soit aussi en meeting, lors de conférences de presse avec ses homologues ou lors des sommets internationaux, où il est capable de se moquer d’un handicapé, fustiger un dirigeant étranger, insulter une femme, surtout si elle est démocrate, ou s’en prendre à la presse “ennemie du peuple”.

Sur le fond, Donald Trump fait plus que détricoter les réalisations de son prédécesseur Barack Obama, il redéfinit les priorités du pays à la seule aune de son slogan de campagne, le très protectionniste et nationaliste “Make America great again” (rendons sa grandeur à l’Amérique). Israël, Syrie, Corée du Nord, Otan, conflit commercial avec la Chine, climat, immigration, etc. : Trump a multiplié les volte-face, pris des décisions à l’emporte-pièce et, surtout, est devenu l’opposant le plus résolu au multilatéralisme porté pendant des années par les Etats-Unis sur la scène internationale, entraînant dans son sillage les populistes du monde entier.

Arrivé par effraction chez les Républicains, Trump a réussi à faire taire toutes les oppositions en dépit des casseroles qui se sont accumulées depuis 2016, et, surtout, à maintenir un très solide socle électoral. Galvanisé par cette base, le président Trump ne supporte dès lors aucune règle, aucun usage, aucune entrave sur son chemin, fussent-ils constitutionnels. D’où sa colère contre la procédure de destitution lancée par les démocrates du Congrès… mais dont il pourrait faire une force pour sa réélection.

Face au rocher Trump, les démocrates – à l’instar des gauches européennes face aux populistes – ne savent quel chemin choisir : virer à gauche toute pour se différencier clairement ou choisir une voie plus centriste pour essayer de reconquérir les modérés ? Lourde responsabilité. Mais la prochaine présidentielle se jouera, comme souvent, sur deux plans : l’économie, qui reste bonne, et le système électoral où le basculement d’Etats clés pèse davantage que le nombre de voix… Dès lors un second mandat Trump est plausible. Nouveau vertige…

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