John Bolton’s Book Documents a Year of Colossal Diplomatic Damage

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Ni Donald Trump ni l’auteur ne sortent grandis des Mémoires de l’ex-conseiller, qui montre à quel point la diplomatie américaine a été engloutie dans l’expérience trumpienne.

Y a-t-il encore des choses que l’on ignore de l’ignorance de Donald Trump sur le reste du monde ? Apparemment oui, puisque quelques perles des Mémoires de son ex-conseiller à la sécurité nationale John Bolton ont fait, grâce à des fuites savamment orchestrées avant leur publication, mardi 23 juin, les délices des médias anti-Trump.

L’establishment washingtonien s’est ainsi régalé de lire, en guise de teaser, que le président des Etats-Unis avait demandé, devant la première ministre britannique Theresa May, si le Royaume-Uni était une puissance nucléaire.

Si la vengeance est un plat qui se mange froid, John Bolton, lui, l’aime tiède. La parution de son livre, The Room Where it Happened (Simon & Schuster, 952 pages, 31 €) « la pièce où ça s’est passé », non traduit) moins de huit mois après son départ fracassant de la Maison Blanche, lui permet de régler ses comptes de manière sanglante, à défaut d’être glorieuse, avec le président des Etats-Unis et sa coterie.

Personne ne sort grandi – pas plus l’auteur que le président – de ce récit, détaillé avec la minutie d’un preneur de notes, des déboires de la diplomatie américaine, d’avril 2018 à septembre 2019, période pendant laquelle Bolton, ancien ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, a été un témoin assidu du bureau Ovale.

République bananière

Quand on sait que ce président a accueilli ses homologues des trois républiques baltes il y a deux ans en pensant qu’ils venaient de l’ex-Yougoslavie parce qu’il confondait Baltes et Balkans, lire sous la plume de Bolton qu’il croyait aussi que la Finlande faisait partie de la Russie a un petit air triste de déjà-vu.

Et c’est un autre volet du récit de Bolton qui a plus sérieusement choqué certains esprits américains : la description de conversations avec les grands autocrates de ce monde, le Chinois Xi Jinping, le Turc Recep Tayyip Erdogan, où le président des Etats-Unis offre – ou demande – des faveurs pour s’assurer leurs bonnes grâces, voire négocier un avantage susceptible de favoriser sa réélection. Cette évocation de la première puissance mondiale traitée comme une république bananière fera rougir n’importe quel citoyen normalement constitué.

Pour des lecteurs européens, la vraie révélation est ailleurs. Elle se trouve dans les comptes rendus des rencontres bilatérales et sommets internationaux qui ont réuni le président Trump et ses alliés d’outre-Atlantique. Les anecdotes étaient connues, l’hostilité systématique à l’égard d’Angela Merkel, la roublardise avec Emmanuel Macron, les colères contre Justin Trudeau, tout cela a été rapporté, sous couvert d’anonymat, par des interlocuteurs européens abasourdis.

Mais l’ensemble, raconté de l’intérieur par un acteur-clé avec la froideur et l’amertume de l’échec, confirme l’entreprise de démolition diplomatique qu’est le trumpisme et l’inexorable éloignement qu’il a infligé aux Etats-Unis. L’idée qu’on puisse faire « bloc » avec eux parait aujourd’hui extravagante. Le livre de Bolton est en fait le bilan d’un an de dégâts colossaux en politique internationale, au premier rang desquels le divorce transatlantique.

Européens traumatisés

Donald Trump aurait pu, par exemple, rechercher la coopération des alliés européens face à la Chine. Il a préféré les traiter, eux aussi, comme des adversaires. « L’Union européenne est pire que la Chine, en plus petit », lance-t-il à la chancelière allemande qu’il reçoit à la Maison Blanche, le 27 avril 2018. Jean-Claude Juncker, qui est alors président de la Commission européenne, est un « homme mauvais, qui hait désespérément l’Amérique et fixe le budget de l’OTAN » (!)

Si John Bolton, homme de la guerre froide, considère l’OTAN comme « la coalition politico-militaire la plus réussie de l’histoire », Donald Trump n’a pas le même recul. A la veille du sommet de l’organisation à Bruxelles en juillet 2018, il décide tout bonnement que les Etats-Unis doivent s’en retirer, et le dit au secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, qui, interrogé mardi lors d’une conférence diffusée en ligne depuis Bruxelles par le German Marshall Fund, ne l’a pas démenti.

Ce sommet de l’OTAN sera particulièrement houleux et les Européens en ressortiront traumatisés par l’agressivité du « grand frère » américain. John Bolton, lui, en sort soulagé. De son point de vue, le pire – le retrait américain – a été évité. En partant, Trump plante une bise sur la joue de la chancelière Merkel en s’écriant « I love Angela », et Bolton pense que son président, qui s’envole pour Helsinki où il va rencontrer Vladimir Poutine « a derrière lui une Alliance unie ». Il se trompe lourdement.

Ce n’est qu’un épisode, mais l’accumulation de ces moments chargés de tensions, de menaces et de sanctions, qui jalonnent désormais la politique extérieure des Etats-Unis et l’affaiblissement de son appareil diplomatique, ont profondément démoralisé les experts américains. « Trump ne suit aucune grande stratégie, ni même une trajectoire cohérente », écrit John Bolton.

« Surmilitarisation de la politique étrangère » américaine

Deux événements se sont ajoutés au chaos de la politique étrangère depuis que l’ex-conseiller a écrit son livre : la pandémie de Covid-19 et la révolte antiraciste.

Un ancien haut responsable diplomatique républicain s’inquiète de la détérioration de l’image des Etats-Unis, à un moment où la multiplicité et l’ampleur des défis mondiaux requièrent au contraire du leadership. « Pour nos alliés, c’est déconcertant, dit-il. Je ne vois pas un autre moment où les Américains se sont posé autant de questions sur leur propre démocratie. »

Dans la revue Foreign Affairs, Robert Gates, secrétaire à la défense de George W. Bush puis de Barack Obama, déplore la « surmilitarisation de la politique étrangère » des Etats-Unis : il est temps, plaide-t-il, de rétablir les autres instruments de la puissance américaine. Et en particulier ceux du soft power. Rendez-vous le 3 novembre.

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