La maison mère de la compagnie aérienne américaine United Airlines, UAL, a annoncé mardi 22 avril 537 millions de dollars de pertes (336 millions d’euros) au premier trimestre. Sur la même période, AMR (American Airlines) a perdu 328 millions de dollars, et Continental 80 millions. Les analystes s’attendent à ce que les trois autres “Big Six” – Delta, Northwest et US Airways – annoncent aussi des pertes. Les compagnies aériennes américaines, en difficulté chronique depuis des années, entrent dans ce qui apparaît comme une crise systémique, accélérée par l’augmentation brutale du prix du kérosène (53 % en un an) et la diminution du trafic lié à la récession.
Pour renforcer leur capacité financière et pouvoir enfin se moderniser, Delta et Northwest ont annoncé leur fusion (Le Monde du 16 avril). Celle-ci devra obtenir l’aval du Congrès et des syndicats des deux entreprises, qui pourraient tenter de l’empêcher ou de modifier ses conditions. Les personnels devaient voter mercredi 23 avril.
Pour Richard Aboulafia, spécialiste du Teal Group à Washington, les “grandes manoeuvres” ont commencé. Dès lors que cette fusion “modifie le paysage concurrentiel”, a prévenu Larry Kellner, patron de Continental, sa compagnie “fera le nécessaire pour garantir son maintien comme compétiteur sur le long terme”. Il négocie déjà avec United une fusion qui créerait un numéro un mondial plus gros encore que Delta-Northwest. United prospecte aussi en direction d’US Airways. De son côté, American Airlines a pris langue avec Continental. “A terme, les “Six” ne seront plus que quatre, peut-être trois. Mais ces fusions génèrent autant de problèmes – d’hétérogénéité des flottes, par exemple – qu’elles n’en résolvent. Surtout, elles ne changeront rien aux difficultés structurelles du secteur”, juge M. Aboulafia.
Pour nombre d’analystes, la solution à la crise du transport aérien américain ne peut être que financière, tant son infrastructure paraît obsolète et dégradée. Selon une étude du ministère des transports dévoilée le 18 avril, un déplacement aérien à l’intérieur des Etats-Unis est plus long aujourd’hui qu’il y a vingt ans. De l’heure prévue d’embarquement à l’arrivée, pour se rendre de New York à San Jose, en Californie, il faut ainsi, en moyenne, trois heures de plus. Retards constants, flotte âgée, contrôle aérien archaïque, aéroports saturés, annulations de vols accrues, sécurité suspecte, tel est le “paysage”.
“RATIONALISER LE RÉSEAU”
Ex-PDG d’American Airlines, Robert Crandall a publié, lundi 21 avril, un article dans le New York Times : il y a trente ans, rappelle-t-il, le Congrès adoptait la loi de dérégulation aérienne ; “depuis, le transport aérien américain s’est gravement détérioré. Nos compagnies étaient des leaders mondiaux, elles sont désormais à la traîne dans tous les domaines”. Il en appelle à “l’intervention du gouvernement”, car “la seule approche par le marché n’a pas pu et ne pourra pas produire le système dont nous (les Etats-Unis) avons besoin”.
Loren Thompson, le spécialiste du Lexington Institute, estime que l’Etat doit d’autorité “rationaliser le réseau” pour résorber une “compétition effrénée” qui s’est avérée “catastrophique” tant pour le service aux clients que pour la rentabilité des compagnies.
En attendant, celles-ci prennent des mesures pour rogner leurs coûts ou engranger quelques recettes. American Airlines va peu à peu réduire ses vols de 3,6 %, Continental de 5 %, United jusqu’à 9 %. AMR souhaite céder sa filiale American Eagle et a vendu 90 % de son unité de gestion financière pour 480 millions de dollars. Continental retire de sa flotte, pour un an, 14 Boeing 737 trop consommateurs en kérosène ; United retire 30 vieux DC80. Les compagnies augmentent leurs tarifs de 4 à 50 dollars selon les distances. Elles taxent le second bagage et renchérissent le coût du changement de vol pour les clients. Toutes suppriment des emplois. Continental aurait même fait pression sur ses pilotes pour économiser du carburant sur des vols transatlantiques, ce qui aurait provoqué une forte hausse des demandes d’atterrissage d’urgence en 2007, selon un rapport du ministère des transports.
Des mesures de rigueur perçues comme insuffisantes par les analystes. Selon une récente étude de Thomson Financial, American Airlines ne saurait redevenir bénéficiaire avant 2011, au mieux.
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