Le candidat républicain joue son va-tout dans une poignée d’États clés en s’éloignant de l’héritage de Bush et en accusant Barack Obama de «socialisme».
John McCain va devoir faire des choix. Citant anonymement deux de ses conseillers, la chaîne CNN lui prêtait mardi le projet d’abandonner la course dans trois États que son équipe juge désormais hors de portée, même s’ils restent officiellement en jeu : le Colorado, où Sarah Palin, sa colistière, faisait encore campagne lundi, le Nouveau-Mexique et l’Iowa. La stratégie du républicain consisterait à reporter une grande partie de ses efforts sur la Pennsylvanie, dont les 21 voix au sein du collège électoral lui permettraient de franchir la barre des 270 votes nécessaires À condition de garder dans son camp la Caroline du Nord, la Floride, le Missouri, le Nevada et l’Ohio. Rien n’est moins sûr.
À Saint Charles lundi, un quartier résidentiel de la banlieue de Saint Louis, McCain n’a pas drainé les foules : entre 2 000 et 2 500 sympathisants dans un fief républicain, c’est bien peu. Deux jours après le meeting d’Obama qui a attiré 100 000 personnes sous l’arche emblématique de la capitale du Missouri, le contraste était saisissant. Le reporter du Los Angeles Times y voyait «un symbole du défi auquel le candidat républicain est confronté dans cet État crucial» dont les électeurs ont toujours désigné le vainqueur de la présidentielle depuis 1904, à la seule exception de 1956 (où Eisenhower l’avait emporté sur Stevenson).
C’est un double message que McCain a martelé à chacun de ses trois arrêts dans le Missouri : Barack Obama veut augmenter les impôts pour répartir la richesse, et «je ne suis pas George W. Bush». Les deux thèmes avaient été lancés dans le dernier débat présidentiel de mercredi dernier, «Joe le plombier» symbolisant le premier, le second ayant fourni à McCain sa meilleure repartie de la soirée : «Sénateur Obama, si vous vouliez en découdre avec George W. Bush, il fallait vous présenter il y a quatre ans.»
«Pourquoi McCain ne s’est-il pas présenté il y a quatre ans – comme il l’avait fait quatre ans plus tôt ?», demandait dimanche dernier dans le New York Times le chroniqueur Frank Rich : «Au lieu de quoi, McCain a fait campagne pour la réélection de Bush, applaudi Bush pour les choix politiques auxquels il s’était jadis opposé et s’est laissé glisser, avec l’Amérique, dans le trou au fond duquel nous nous trouvons aujourd’hui.»
Le commentaire est, bien sûr, orienté, mais il traduit le dilemme du candidat coincé entre deux images contradictoires : le réformateur et l’avocat du statu quo. Entre le franc-tireur qui se vante d’avoir à plusieurs reprises rompu les rangs avec son parti et le partisan récalcitrant de l’orthodoxie républicaine pure et dure, quel est le vrai John McCain ?
Conversion sur la fiscalité
En matière fiscale, la conversion est totale chez l’ex-rival de George W. Bush qui dénonçait en 2000 ses «cadeaux aux riches». Aujourd’hui, les augmentations d’impôts qu’Obama propose sur les revenus annuels supérieurs à 250 000 dollars et les allégements promis au-dessous de ce seuil correspondent à ce que John McCain a appelé, sur un plateau de la chaîne Fox, «une redistribution des richesses», donc une forme de socialisme, «mais au moins en Europe, les dirigeants socialistes qu’il (Obama, NDLR) admire tant annoncent clairement leurs objectifs». Les critiques font remarquer que les 250 milliards de dollars proposés par McCain pour le rachat, par l’État fédéral, des emprunts hasardeux souscrits par des particuliers sont aussi une forme de redistribution, et que la prise de participation du gouvernement dans les banques est une forme d’étatisme à fort relent de socialisme.
Raison de plus pour McCain de s’éloigner de Bush. «Les huit dernières années n’ont pas très bien marché, n’est-ce pas ?», dit-il dans une de ses publicités télévisées. Il a du chemin à faire pour convaincre le public que les choses changeront avec lui : près de la moitié des personnes interrogées pour un sondage du Washington Post et de la chaîne ABC estiment qu’il poursuivrait la politique de Bush. Quant aux impôts, une étude de la chaîne CBS montre que malgré ses promesses de ne pas les augmenter, McCain n’est pas cru par 53 % des sondés, alors que 51 % seulement estiment qu’Obama les taxerait davantage.
Plus inquiétante pour McCain est la nette amélioration de l’image de son adversaire dans un autre sondage publié mardi par le New York Times : 53 % des électeurs ont une opinion favorable d’Obama, soit le plus fort taux pour un candidat présidentiel à un premier mandat depuis que le journal et CBS ont commencé à mesurer cette évolution, il y a vingt-huit ans. Non seulement McCain n’a pas progressé, restant à 36 % d’impressions favorables, mais les avis défavorables à son égard sont passés en un mois de 35 à 45 %. Et l’effet Sarah Palin est désormais négatif : la colistière recueille 41 % d’opinions défavorables, en hausse de 11 points.
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