Russia: Obama's Deal

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Echange bouclier anti-missile contre programme nucléaire iranien. C’est en substance le contenu du message envoyé par Barack Obama à Dmitri Medvedev. Selon le New York Times, le président des Etats-Unis propose à son homologue russe d’abandonner le projet de bouclier américain en Europe si Moscou fait pression sur Téhéran pour mettre fin à ses activités nucléaires.

Après le nouveau “New Deal” économique, Barack Obama s’attèle au “Great Deal” diplomatique. Le New York Times révèle mardi le contenu d’un courrier secret que le président américain aurait fait parvenir à son homologue russe, Dmitri Medvedev. La missive aurait été remise en mains propres au pensionnaire du Kremlin il y a trois semaines, à l’occasion d’une visite à Moscou de hauts responsables de l’administration Obama.

Dans celle-ci, le démocrate propose de renoncer à déployer le bouclier anti-missile américain en Europe centrale si en échange, la Russie aide Washington à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Les termes de l’échange ont été confirmés par un haut responsable américain interrogé mardi par Reuters. “Nous pouvons confirmer que le président Obama a adressé une lettre au président Medvedev. La lettre avait trait à plusieurs sujets, dont la défense antimissile et la manière dont elle s’articule avec la menace iranienne”, a-t-il ainsi précisé. “J’espère que la nouvelle administration américaine approchera ce dossier [le bouclier anti-missile, ndlr] de manière plus créative”, avait de son côté déclaré lundi Dmitri Medvedev. Le voilà servi.

Moscou, partenaire économique de Téhéran

La Russie compte parmi les rares partenaires économiques de la République islamique. A ce titre, Moscou participe depuis 1995 à la construction de la centrale nucléaire de Bouchehr, dont la phase de test a débuté la semaine dernière. Le Kremlin soutient l’argumentaire de Téhéran selon lequel le programme nucléaire iranien a des visées uniquement civiles. Mais le reste de la communauté internationale – Etats-Unis et Union européenne en tête – craignent que ces activités d’enrichissement d’uranium ne dissimulent une volonté d’acquérir la bombe atomique.

Interrogé sur CNN dimanche, le chef d’état-major interarmes américain, l’amiral Michael Mullen, s’était même dit persuadé que l’Iran avait suffisamment de matière fissile pour fabriquer cet engin. “Ils sont loin d’avoir un arsenal, ils sont loin d’avoir une seule arme à ce stade”, avait toutefois tempéré le secrétaire à la Défense, Robert Gates. Cinq résolutions ont d’ores et déjà été adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies à l’encontre de l’Iran, dont trois assorties de sanctions, qui portent essentiellement sur le gel des avoirs de certaines entités ou l’interdiction de voyager à l’étranger de certains responsables. Sans grand effet, puisque que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, répète à qui veut l’entendre que son pays poursuivra son programme nucléaire.

Qu’attend-il de Moscou?

Reste à savoir ce que le nouveau président américain attend exactement de Moscou. S’agit-il de demander au Kremlin d’user de son influence auprès de l’Iran pour le convaincre de donner les preuves nécessaires de ses intentions pacifiques, ou bien, le cas échéant, d’abandonner son programme nucléaire? En mettant dans la balance le projet de bouclier anti-missile en Pologne et en République tchèque – très cher aux yeux de la Maison blanche et perçu comme un défi à la sécurité nationale en Russie – Barack Obama espère sûrement plus. Que Moscou vote des sanctions plus contraignantes à l’ONU – embargo sur les armes et sur le pétrole -, par exemple, elle qui a jusqu’ici brandi la menace du droit de veto pour empêcher tout accord de ce type.

Une chose est sûre, cette lettre marque une étape décisive dans les relations bilatérales entre Moscou et Washington, dégradées sous l’ère Bush par le bouclier anti-missile, la guerre en Géorgie et l’élargissement de l’Otan vers l’Est. Le 4 février dernier, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, s’étaient engagés en ce sens, évoquant un “intérêt mutuel à élaborer un ordre du jour positif des relations”. Avec ce deal, Barack Obama traite Dmitri Medvedev d’égal à égal, quand George W. Bush et Condoleezza Rice l’accusait de tous les maux au plus fort de la crise géorgienne. Côté russe, le Kremlin n’attendait que ça. Côté américain, la Maison blanche penche pour la realpolitik pour faire avancer des dossiers bloqués depuis de longs mois. Dmitri Medvedev a toutefois estimé mardi après-mid qu’il n’était “pas constructif” de lier les deux questions, se déclarant davantage favorable à un bouclier anti-missile “commun” pour lutter contre les “menaces globales”. Les deux hommes auront l’occasion d’en parler de vive voix le 2 avril prochain, en marge du sommet du G20 de Londres.

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