Il faut maintenir le malade en respiration artificielle. Cette simple annonce a suffi à faire dévisser les marchés financiers du monde entier hier. Il est vrai que le malade n’est rien de moins que l’économie américaine, la première au monde. Et que la décision vient de la banque centrale des Etats-Unis, la plus puissante institution financière de la planète. Si le patient avait été en pleine forme, elle aurait cessé de le soigner, en relevant ses taux d’intérêt anormalement bas. Elle ne l’a pas fait. Si la convalescence se passait bien, elle aurait pu commencer à débrancher les cathéters où coulent les liquidités qui hydratent le malade. Elle va au contraire maintenir la perfusion. C’est exactement ce que signifie sa décision de maintenir le montant des titres financiers figurant dans son bilan, en affectant l’argent issu du remboursement des obligations émises par Fannie Mae et Freddie Mac, les agences de refinancement immobilier, au rachat de nouvelles obligations émises par le Trésor américain.
La nouvelle a surpris tous ceux qui avaient pris l’hirondelle des beaux profits d’entreprise pour le printemps de la croissance. En réalité, l’activité ralentit un an après avoir redémarré, alors que c’était le moment où elle s’était épanouie lors des cycles précédents. Les échanges se tassent. L’économie détruit à nouveau des emplois depuis trois mois, après en avoir créé 1,5 million au début de l’année et détruit plus de 8 millions lors des dix-huit mois précédents. L’immobilier reste déprimé. Les Américains veulent épargner, brisant l’espoir du retour vers un modèle fondé sur l’hyperconsommation. Derrière ce diagnostic peu réjouissant, il y a une explication commune : la dette accumulée pendant les folles années 2000. Elle est lourde pour les entreprises, excessive pour l’Etat, insupportable pour des millions de foyers. Et cette montagne menace toujours d’engendrer une terrible déflation.
Dans ces conditions, la Fed a jugé qu’il était préférable de maintenir la posologie administrée au malade. C’était sans doute le meilleur choix. Elle se garde la possibilité d’augmenter la dose si l’état de santé du patient se dégradait dans les prochains mois – autrement dit imprimer des billets pour acheter de la dette publique. Au-delà, ses marges de manoeuvre deviendraient singulièrement limitées. Dans un discours célèbre sur la lutte contre la déflation prononcé en 2002, son président Ben Bernanke avait évoqué la dévaluation massive du dollar comme l’ultime arme à sa disposition. Espérons que la Réserve fédérale parviendra à éviter le pire sans en venir à une telle extrémité.
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