Revival in a Single Country: The United States

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L’Amérique, le pays des « subprimes », le fauteur de crise, est celui qui s’en est relevé le plus vite. Il reste à savoir si sa nouvelle croissance est durable ou si elle est simplement le fruit des anabolisants administrés par la Fed.

Les Etats-Unis savent faire des grands débarquements. Au Jour J, jamais les moyens ne manquent, ni techniques ni humains, encore moins financiers. Pour repousser la crise de 2007 qui s’annonçait encore plus terrible que celle de 1929, la banque centrale américaine a déployé des moyens tels, que son bilan indique une dépense de 4.000 milliards de dollars, 25 % du PIB.

Les Etats-Unis, en revanche, ont parfois beaucoup de mal à replier bagage. D’où les grandes craintes, sur le plan monétaire, de la fin annoncée cette semaine par la Fed de sa politique dite de « quantative easing » engagée contre la crise.

C’est le grand paradoxe de cette fin 2014. Il n’y a au monde qu’un pays où l’économie est en forme satisfaisante : les Etats-Unis (on passe sur la Grande-Bretagne, dont la solidité, hors finance, reste à prouver). L’Amérique, le pays des « subprimes », le fauteur de crise, est celui qui s’en relève le plus vite et le mieux et, second volet du paradoxe, le pays dont la sortie de crise n’est pas sans poser un immense casse-tête aux autres, aux pays émergents comme à l’Europe. Le fauteur de crise va-t-il être le fauteur de troubles dans l’économie mondiale en 2015 ?

Pour mesurer le risque, il suffit de regarder les problèmes des pays émergents depuis un an, depuis que cette fin du QE a été annoncée : chute des Bourses, remontée des taux, baisse des croissances. Il pourrait en être de même, en 2015, dans les pays développés.

Le Dow Jones valait 14.000 points avant la crise en 2007, il a été divisé par deux avec la crise, tombant à 7.000 points. Mais il est remonté dès le début 2009 pour atteindre ces jours-ci plus de 17.000. Tous les records sont battus. Le CAC 40 atteignait, lui, 6.000 points avant la crise, il est tombé plus sévèrement qu’outre-Atlantique à 2.500, et il n’est remonté péniblement qu’autour de 4.200 points. Très loin de ses records.

Les annonces de la Fed devraient entraîner une correction légitime de Wall Street. Les flots d’argent facile ont permis à l’économie de se rétablir, si l’on en juge par un taux de chômage redescendu à 5,9 %, mais ils ont d’abord et surtout favorisé les actifs financiers, comme le montre le record du Dow Jones. La Fed fermant le robinet, les sentiments des boursiers devraient tourner à la baisse. Mais, comme les Bourses européennes sont suivistes de Wall Street, les marchés européens seront logiquement entraînés à la baisse, ce qui plomberait encore une ambiance déjà morne.

Ce qui est vrai des Bourses pourrait être vrai des taux d’intérêt de long terme, ce qui serait plus grave. La nouvelle politique de la Fed n’est pas de relever les taux, pas avant un laps de temps qu’elle dit « considérable ». Mais il n’empêche, l’argent moins facile devrait, ou au moins pourrait, pousser les investisseurs à relever les taux de long terme. Et comme la finance mondiale ne fait qu’un, les taux européens équivalents pourraient être aspirés, résultat exactement opposé à ce que cherche la Banque centrale européenne.

Ce qui est vrai des Bourses et des taux pourrait l’être du dollar. La Fed s’inquiète de la faible inflation, 1,7 %, et elle mesure qu’une hausse du dollar pèse sur les prix importés. Elle l’a dit, ce qui suffit à contrecarrer la logique d’une hausse de la monnaie américaine consécutive à la reprise et à la nouvelle politique de la Fed. Pour l’Europe, qui cherche désespérément des moteurs de croissance, la baisse de l’euro est ralentie voire annulée.

La reprise américaine serait-elle une mauvaise nouvelle pour l’Europe ? Il ne faut pas pousser le paradoxe jusque-là. Ce serait se tromper de cible comme ces Français qui accusent l’Allemagne de réussir. Les exportations européennes outre-Atlantique vont se porter mieux, tant mieux. Mais la divergence des cycles va avoir des effets imprévisibles sur les marchés financiers et compliquer la tâche des autorités.

Depuis sept ans et le début de la crise en août 2007, les quatre grandes banques centrales des pays développés (Etats-Unis, Europe, Japon, Grande-Bretagne) ont mené des coopérations historiques très étroites dans une grande « convergence conceptuelle », comme le détaille Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE (1). Discussions permanentes, baisse des taux coordonnées, contrôle des banques, politiques non conventionnelles, cette unité de vues a permis aux banques centrales de progresser vivement et de gagner en crédibilité. On ne peut pas en dire autant des Etats, confrontés pourtant à la même crise, en particulier en Europe.

Le retrait des troupes monétaires états-uniennes va-t-il rompre cette unité ? La divergence des cycles va-t-elle briser la convergence des idées ? Tout va dépendre de l’habilité à la manoeuvre de Janet Yellen et de ses collègues de la Fed. L’annonce a été réussie jusqu’à présent, elle n’a pas provoqué de panique.

Au fond, tout dépend de l’efficacité de cette politique monétaire nouvelle appliquée au monde entier dont se félicite Jean-Claude Trichet. Si elle a vraiment contribué à restaurer la croissance aux Etats-Unis, alors il suffit que l’Europe en fasse plus dans cette direction, et tout ira mieux, sinon bien. Mais si ce QE n’a fait que donner des anabolisants à une économie toujours aussi malade, son retrait va faire replonger dans les affres. L’Amérique a-t-elle trouvé un mode de sortie de la crise et de nouvelle croissance ? La réponse semble positive, mais il reste un petit doute.

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