Barack Obama’s Rose-Colored Glasses

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Les lunettes roses de Barack Obama

Dans son discours sur l’état de l’Union, le président a montré un optimisme sur l’état du monde qui tenait plus de la méthode Coué que de la réalité.

Pour sa septième apparition devant le Congrès pour prononcer le traditionnel discours sur l’état de l’Union, qui définit l’agenda des États-Unis pour l’année, Barack Obama a surtout misé sur les succès de la reprise économique américaine. Et, c’est de bonne guerre, il n’a donné que la portion congrue à une politique étrangère et à une lutte contre le terrorisme dans lesquelles ses réalisations passées ont été décevantes, et ses ambitions pour demain un peu courtes.

“L’ombre de la crise est derrière nous et l’état de l’Union est puissant.” L’optimisme économique et l’autosatisfaction d’être sorti du marasme que connaissait l’Amérique depuis 2008, c’est le thème central du message qu’Obama a voulu faire passer devant un Congrès qui, pour la première fois de ses deux présidences, lui est majoritairement opposé. Mais à qui il a fait comprendre qu’il ne resterait ni passif ni inerte durant les deux ans de mandat qui lui restent. Ce qui promet de belles batailles entre des républicains qui voteront des lois auxquelles le président opposera son veto et des textes qu’il proposera au Congrès et qui seront retoqués par les majorités des deux chambres. Par exemple sa promesse d’augmenter les impôts qui frappent les plus riches, sa proposition de généraliser l’enseignement unique ou celle de compensations financières pour ceux qui tombent malades. Une aberration pour beaucoup d’Américains qui lui a valu ce titre d’un quotidien républicain : “Obama veut faire payer même ceux qui ne travaillent pas”.

Situation fragile et incertaine

Mais le président américain peut parallèlement profiter de l’embellie de sa cote de popularité, qui est remontée à 50 % après avoir pendant des années stagné dans la zone des 40. Il peut aussi considérer qu’il a lancé là un programme que son successeur appliquera. Un message tellement bien reçu parHillary Clinton, probable candidate démocrate en 2016, qu’elle a immédiatement tweeté pour saluer “des réformes qui vont dans le bon sens pour les classes moyennes”. Autrement dit, les électeurs qu’elle courtise.

Mais, si la baisse du prix du pétrole et le fait que l’Amérique n’avait jamais créé autant d’emplois depuis 1999 permettent à Obama de se féliciter d’avoir gagné “contre les cyniques”, il ne peut guère crier victoire concernant ce qui a été fait dans le reste du monde. Et pourtant il continue à se féliciter de la fin de la guerre d’Afghanistan, alors que le départ des troupes de l’Otan a laissé le pays dans une situation plus fragile et incertaine que jamais après plus de dix ans de présence. Il s’est moqué de la Russie, dont l’agression de l’Ukraine a mis l’économie en mauvaise posture, grâce aux sanctions voulues par lesÉtats-Unis et les Européens. Mais il a juste oublié de mentionner que l’annexion de la Crimée par Moscou était un fait acquis et une atteinte gravissime à l’intangibilité des frontières en Europe, telle qu’elle existait depuis la Seconde Guerre mondiale.

“La page du terrorisme est tournée”

Mais là où l’on peut craindre que le président Obama ait effectivement chaussé des lunettes roses, c’est lorsqu’il est question du terrorisme. Car, s’il reconnaît que de nombreux pays vivent sous sa menace, il précise : “Pour nous, je le proclame ce soir, la page est tournée.” Cela a fait dire à l’éditorialiste Dana Milbank : “J’espère que ce discours ne restera pas dans l’histoire comme celui prononcé pendant que l’Amérique dormait.” Une allusion au livre Pendant que l’Angleterre dormait, écrit par Churchill en 1938, à propos de l’aveuglement des Européens, et particulièrement de la Grande-Bretagne, pour contrer la menace nazie.

En dépit des 17 victimes de Paris, de l’attaque contre le Parlement canadien il y a quelques semaines, des menaces qui touchent jusqu’à l’Australie, des chasses à l’homme partout en Europe contre les réseaux dormants islamistes, des risques que fait peser à tous les pays occidentaux – y compris l’Amérique – le retour de ceux qui sont allés faire le djihad en Syrie ou en Irak, l’Amérique, selon Obama, “a tourné la page du terrorisme.”

Le 11 Septembre est déjà bien loin. En octobre 2001, 46 % des Américains considéraient le terrorisme comme le danger numéro un menaçant les États-Unis. Dans le même sondage Gallup, début janvier, ils n’étaient plus que 2 % à le redouter.

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