Ici, on embauche ! Les Etats-Unis ont créé plus de 400.000 emplois depuis un an. Un entrain jamais vu outre-Atlantique depuis la frénésie de la bulle Internet, il y a quinze ans. Le taux de chômage est descendu à 5,5 %, la moitié du niveau européen. L’océan se creuse entre les deux côtés de l’Atlantique. Concrétisé à la fin de la semaine dernière par des chiffres d’emploi meilleurs que prévu en Amérique, il encourage les investisseurs à vendre leurs euros pour acheter des dollars. La parité est en vue, alors qu’un euro s’échangeait encore contre près de 1,40 dollar en mai dernier. Le tonus de l’emploi pourrait en effet inciter la banque centrale des Etats-Unis à enlever la « patience » de son vocabulaire dès la semaine prochaine. La Réserve fédérale indiquerait ainsi son intention de relever dès l’été prochain ses taux d’intérêt, au plus bas depuis six ans. Les fonds investis à court terme à New York rapporteront alors davantage que ceux placés à Paris, Francfort ou Madrid.
Cet engouement des épargnants pour l’Amérique paraît donc logique. Mais avant de se ruer sur Wall Street, il faut se poser deux questions. D’abord, l’avenir promet-il vraiment d’être meilleur en Amérique qu’en Europe ? Aux Etats-Unis, la croissance est repartie depuis maintenant près de six ans, ce qui constitue déjà un cycle de reprise très long. Beaucoup de chiffres publiés là-bas ces dernières semaines ont été décevants – contrairement à l’emploi, qui est un indicateur en retard sur l’activité. En Europe, au contraire, les « indices de surprise » vont clairement dans un sens encourageant. La zone euro n’est certes pas à l’abri d’un nouvel accident, venant de Grèce ou d’ailleurs. Mais elle profite pleinement des mouvements récents – réévaluation du dollar, dépréciation du pétrole.
Ensuite, l’inflation menace-t-elle vraiment l’Amérique ? Sur une pente de progression de 2 % l’an, le salaire horaire n’indique pour l’instant aucun signe d’accélération. Les experts de la Fed ont récemment expliqué que le retour d’un taux de chômage entre 5,2 % et 5,5 % déclencherait des tensions sur les prix. Mais le président de la Fed de Chicago, Charles Evans, estime que ce seuil fatidique est plutôt à 5 %. Des économistes soutiennent que, cette fois-ci, c’est différent : la mécanique des prix n’étant plus ce qu’elle était, le seuil est devenu bien plus bas. D’autres pensent que rien n’a changé. Derrière ce débat technique, il y a un vrai risque : celui d’une hausse des taux d’intérêt trop précoce qui ferait replonger l’économie américaine, pour cause de finance pas encore guérie et de secteur du bâtiment ultrasensible au loyer de l’argent. Pas facile de tourner définitivement la page d’une crise séculaire.
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