Jusqu’où Mattel est-elle prête à aller pour mousser les ventes – en déclin – de la légendaire Barbie?
La dernière trouvaille est pour le moins douteuse: Hello Barbie est une poupée qui, grâce à une connexion WiFi et un mécanisme de reconnaissance de la voix, peut converser avec les enfants. Il suffit d’activer le mécanisme pour que Barbie pose des questions, réponde à son tour et mémorise des informations pour des conversations futures.
Les enregistrements seront envoyés sur le serveur de l’entreprise de multimédia ToyTalk, le partenaire de Mattel. Les données serviront à «améliorer le produit» et pourront être relayées à un tiers. Elles ne sont pas destinées à des fins publicitaires ou de marketing, assurent les concepteurs, qui ne précisent pas le type d’information qui sera obtenu. Devant des explications aussi vaseuses, le scepticisme est permis.
Des spécialistes en éthique sonnent d’ailleurs l’alarme parce que des informations précises sur les goûts et les habitudes d’un enfant et de sa famille pourraient être recueillies.
La controverse a éclaté dès la présentation du prototype, le mois dernier. Un magazine allemand a aussitôt comparé la nouvelle poupée aux informateurs de la Stasi, la police secrète de l’Allemagne de l’Est.
Mattel affirme plutôt que l’invention répond à la demande numéro un des fillettes, soit celui de pouvoir converser avec Barbie. Vraiment?
Les parents devront donner leur consentement et pourront être informés périodiquement des conversations tenues. Mais ce à quoi ils consentiront n’est pas clair. Voilà qui est problématique.
Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n’a pas étudié le cas spécifique de Hello Barbie. En vertu des lois canadiennes, les organisations doivent préciser dans quel but elles collectent des renseignements personnels, obtenir un consentement éclairé et limiter le type et la quantité d’informations recueillies.
L’activation par la voix et les appareils intelligents suscitent une inquiétude grandissante. On l’a vu récemment avec la télévision intelligente: Samsung a dû se défendre d’espionner les gens dans leur salon. Quand la question touche les enfants, les enjeux sont encore plus grands, d’autant plus que les jeunes esprits sont facilement malléables.
Campaign for a Commercial-Free Childhood, un organisme américain qui milite pour que les enfants ne soient pas soumis aux diktats des firmes de marketing, a lancé cette semaine une pétition pour que Mattel renonce à la mise en marché de son nouveau produit.
Ce débat sur la protection des renseignements occulte par ailleurs l’élément principal: le jeu. Les enfants ont besoin de jouer librement, de développer leur créativité et leur imaginaire, de s’inventer des histoires. La technologie occupe déjà beaucoup de place dans leur vie. Est-il nécessaire d’en rajouter sous prétexte que Barbie favorisera le développement du langage et deviendra leur «meilleure amie» ?
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