Ennemis sur-mesure?
Depuis l’invasion et la destruction de l’Irak par les Etats-Unis en mars 2003, le Moyen-Orient se trouve plongé dans un inconcevable chaos. De la sorte, plusieurs guerres parallèles ou croisées s’y déroulent alimentées par les ambitions des uns, les menées des autres. L’Irak fait toujours face aux affres de la guerre depuis ce fatidique 21 mars 2003, la Syrie est à feu et à sang depuis quatre ans, conséquence directe d’un présumé «printemps arabe»; le Yémen est sous la coupe d’apprentis impérialistes – sous-traitants pour des commanditaires évidents – qui occasionnent d’autres morts et destructions. Un général saoudien aurait – aux sollicitations des ONG internationales réclamant une pause humanitaire au Yémen – répondu qu’il n’avait pas de temps à perdre avec ces «futilités»; il a «une guerre à mener». Qu’y a-t-il, en effet, de plus facile que de semer la mort et la désolation à partir du ciel? Déjà pénible, la situation est désormais inextricable dans cette région. Cette déstabilisation plurielle du Monde arabe – avec le concours des armées arabes – est exécutée au profit de qui? Même si la réponse peut paraître évidente – on peut ainsi avancer que les Etats-Unis et Israël tirent tous avantage de cette détérioration de la situation au Moyen-Orient – reste ce fait: que veut l’Arabie saoudite qui s’est pleinement engagée dans un engrenage à hauts risques. Il ne faut pas s’y tromper, c’est bien Riyadh qui a imposé cette belligérance et est l’initiatrice de cette improbable «coalition» – formée des monarchies du Golfe (moins le sultanat d’Oman) soutenues par la Jordanie, l’Egypte, le Maroc et le Soudan – partie dans une guerre contre les moulins à vent. Notons que le Sénégal, à la demande de Riyadh, a envoyé mardi un détachement de 2100 militaires en Arabie saoudite. Si l’on se réfère au plan états-unien de morcellement dudit Monde arabe – l’Arabie saoudite elle-même n’y échapperait pas – en petits Etats confessionnels et ethniques, la position de Riyadh apparaît dès lors plus qu’intrigante, suicidaire, voire criminelle. Les guerres en Syrie et en Irak – qui avaient déjà un relent ethnique et confessionnel – se sont ainsi propagées au Yémen, où des pays sunnites – menés par un wahhabisme rétrograde – s’attaquent de front aux chiites yéménites. Cela donne l’impression que les sunnites musulmans seraient en guerre contre les chiites musulmans. Opposer ainsi artificiellement les musulmans entre eux – notons le curieux souci de précision des médias internationaux qui ne manquent pas de faire la distinction entre les divers groupes et sous-groupes chiites et sunnites, insistant lourdement sur ces deux branches de l’islam que l’on présente comme d’irréductibles antagonistes – est-ce innocent? Sommes-nous face à une guerre de religion d’un autre âge? Est-ce la réalité? Nous en doutons, d’autant plus que cette donne – préparée de longue main – ne correspond en rien aux intérêts des musulmans de quelque obédience qu’ils se réclament. De fait, la guerre que l’Arabie saoudite a entreprise contre les chiites yéménites est perçue comme une préparation au vrai conflit avec… l’Iran -profondeur stratégique du Monde arabo-musulman – supposé ennemi principal du Royaume wahhabite. Aussi, l’équivoque demeure: au profit de qui la guerre au Yémen a-t-elle été fomentée? Ainsi, l’Arabie saoudite qui a initié et soutenu la rébellion en Syrie – apportant une aide multiforme aux jihadistes d’Al-Nosra, filiale syrienne d’Al Qaîda – aura singulièrement tiré les marrons du feu pour les Etats-Unis et Israël. Aussi, pendant que le monde a les yeux braqués sur le «spectacle» des guerres fratricides interarabes, l’Etat hébreu poursuit tranquillement la judaïsation et la reconfiguration de la Palestine occupée. Est-ce cela le résultat attendu par les maîtres d’oeuvre de la déstructuration dudit Monde arabe, dans laquelle le Royaume wahhabite joue un rôle de premier plan? La question se pose aussi de savoir quel a été le rôle de l’Arabie saoudite dans la division des ethnies et des confessions moyen-orientales qui ont vécu, jusqu’ici, en bonne entente? Or, l’Arabie saoudite, dont la responsabilité est totalement engagée dans les clivages apparus entre musulmans (chiites et sunnites) voit se retourner contre elle l’autoproclamé «Etat islamique» (EI) dont les agissements de Riyadh ne sont pas pour peu dans son avènement. Notons que l’EI, qui occupe une partie des territoires syrien et irakien, n’a pas caché sa volonté de libérer… les Lieux Saints de l’islam, ayant désormais une frontière de 400 km avec… l’Arabie saoudite. A quel jeu jouent, au final, les Al-Saoud, qui ont mis, avec l’appui des Etats-Unis, le Monde dit «arabe» sens dessus-dessous et à feu et à sang. Pour quels profits?
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