Obama, un huron dans l’Orient compliqué
Le flop du sommet des pays du Golfe à Camp David est la dernière conséquence en date des erreurs du président américain dans le conflit syrien.
Le régime de Bachar el-Assad n’a pas renoncé. Et dans la campagne acharnée de défense des fiefs alaouites, il utilise toujours des armes chimiques contre les troupes rebelles et les civils. C’est le résultat de découvertes faites début mai, notamment dans le village d’Ibleen, de traces de gaz sarin et de VX après des bombardements de l’aviation syrienne. Antony Blinken, le sous-secrétaire d’État américain, a lui-même reconnu cette semaine une “forte et crédible évidence” de largage sur les zones rebelles, par des hélicoptères, de barils contenant de la chlorine. “Or, seules les troupes fidèles à Assad utilisent des hélicoptères”, a renchéri Samantha Davies, l’ambassadeur américain aux Nations unies.
Ces seules découvertes auraient déjà scellé l’échec du sommet avec les États du Conseil de coopération du Golfe que le président américain a organisé les 12 et 13 mai à Washington et Camp David. Car, depuis la fin 2013, Obama n’a cessé de se féliciter d’avoir pu écarter du Proche-Orient le danger de la guerre chimique, en forçant Assad à livrer son arsenal pour qu’il soit détruit, grâce à un accord conclu avec l’aide de la Russie. Les rapports faits ces jours-ci sur le terrain syrien montrent donc qu’il n’en n’est rien. Ils constituent le dernier camouflet porté à une diplomatie américaine dont la principale caractéristique est d’être velléitaire. Comme l’avait démontré la reculade d’Obama en septembre 2013, refusant au dernier moment une action militaire à laquelle il s’était pourtant engagé “si les Syriens franchissaient la ligne rouge de l’utilisation des armes chimiques”.
Comment en effet convaincre les chefs d’État arabes qui ont accepté de venir à Camp David que les accords en préparation sur le nucléaire iranien leur garantiront que Téhéran ne pourra pas se doter de ces armes de destruction massive, alors que la Syrie prouve tous les jours qu’elle se moque bien des chiffons de papier, même lorsqu’ils sont contresignés par Obama et Poutine.
Fiasco
Pour tenter de sauver son sommet, déjà boudé par le roi Salman d’Arabie saoudite, et les souverains d’Oman, de Bahreïn et des Émirats arabes unis, Obama a tenté de montrer à ceux de ses partenaires qui ont fait le déplacement aux États-Unis, qu’il n’était pas dupe du danger que représentait l’Iran : “Les pays de la région ont raison d’être profondément inquiets des activités de l’Iran et particulièrement de son soutien à des groupes violents à l’intérieur des frontières d’autres pays”, déclare le président américain dans une tribune publiée par le site d’information saoudien Asharq-Al- Awsat. Et Obama de citer les exemples du Hezbollah au Liban, du Hamas à Gaza, des Houthis au Yémen et naturellement d’Assad en Syrie. Mais ces paroles rassurantes ne suffiront certainement pas à calmer les inquiétudes des pétromonarchies.
Elles auraient pu éventuellement accepter, sans l’approuver, l’accord que les États-Unis veulent arracher à l’Iran avant la date butoir du 30 juin, à condition que l’Amérique s’engage à les défendre coûte que coûte, sur le modèle des accords de défense conclus avec le Japon, la Corée du Sud ou les pays membres de l’Otan. Mais les contacts pris, notamment à Paris lors des commémorations du 8 Mai, par John Kerry avec les Saoudiens, leur ont montré que les Américains ne voulaient pas s’engager jusque-là. La région est trop éruptive et la sécurité d’Israël reste un frein à tout accord militaire contraignant avec les pays arabes.
On peut faire confiance au porte-parole de la Maison-Blanche pour présenter le sommet en succès diplomatique, mais il s’agit bien d’un fiasco. La vérité est bien qu’Obama, fasciné par la manne potentielle de l’Iran qui, grâce à la fin de l’embargo, va disposer d’un trésor de guerre de 150 milliards de dollars, vient peut-être de mettre fin à 70 ans d’alliance avec l’Arabie saoudite et ses voisins. Au risque pour l’Amérique de se voir remplacée comme partenaire privilégiée en matière de défense. Ce sera un moindre mal tant que les candidats seront des pays démocratiques comme la France. Mais d’autres, comme par exemple le Pakistan, ne dissuaderont sans doute pas le roi Salman de se doter lui aussi, comme son rival iranien, d’armement nucléaire.
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