La grâce d’Obama
Lorsque Barack Obama achèvera son second mandat, à la fin de l’an prochain, on lui reprochera sans doute un excès de prudence dans la gestion de certains conflits au Proche-Orient ou ailleurs. Sans doute aussi un manque d’audace dans la lutte contre les désastres écologiques annoncés ou contre les excès de la finance. Mais il y a une chose que l’on ne pourra oublier : les moments de grâce exceptionnels qu’il a suscités par la magie de son verbe et de sa personne même.
Vendredi 26 juin dans l’église méthodiste de Charleston, en Caroline du Sud, le président des Etats-Unis prononçait son discours en hommage au pasteur Clementa Pickney, assassiné ainsi que huit autres fidèles noirs par un jeune Blanc ivre de haine raciste. Debout à la tribune devant 5.000 personnes, entouré du clergé local revêtu de la chasuble mauve des jours de deuil, le président prononça son dernier mot, laissa s’écouler quelques secondes de silence, puis, d’une belle voix grave, entonna, seul, la célèbre chanson « Amazing Grace », que Mahalia Jackson puis Arlo Guthrie au festival de Woodstock avaient popularisée. Un instant stupéfait par l’initiative du président, hésitant entre le bonheur et les larmes, le public se joignit à lui pour achever le refrain.
Une telle scène est évidemment impossible en France, où le principe de laïcité interdit aux responsables publics de manifester un sentiment religieux. Mais pourquoi alors produit-elle aussi chez nous une forte émotion ? Pour deux raisons, peut-être. D’abord parce qu’être laïc ne veut pas dire être insensible à la force du sacré et que le président des Etats-Unis rendant hommage de cette manière à un pasteur tombé sous les balles d’un fanatique fait vibrer les sentiments les plus sacrés de la communauté humaine. A quoi il faut évidemment ajouter que ce président est le premier président noir et que, à travers la grâce qu’il chantait, on voyait soudain surgir l’immense cortège d’un peuple asservi, luttant si longuement pour sa dignité. Le communisme aussi voulait émanciper des peuples opprimés. Mais il ne pensait qu’au pain et à l’électricité. Obama pense aux symboles, aux psaumes et aux chansons que les Noirs avaient en seul partage dans les arpents de coton du Sud. Aujourd’hui encore, cette histoire nous émeut aux larmes.
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